Monsieur Luc Offerlé, accroc au journalisme indépendant et dirigeant du groupe Pressendo, fait déferler une vague d’humanisme, lequel va -ces derniers temps- diminuendo dans notre société.
Son idée? Proposer d’offrir le travail de rédaction, de préparation de contenu, alors réalisé par sa structure, à des détenus ayant accès à un certain degré d’éducation, d’érudition ou simplement de culture.
Il s’agira de modes d’emploi ou encore de descriptifs de produits écrits sans émoi, de catalogues à dessein informatif et non incisif ou de témoignages d’utilisateurs, en vogue pour l’heure.
Leurs outils? Pourquoi pas des interviews téléphoniques sur autorisations motivée et la création d’applications spécialisées pour une utilisation spécifique de données, sur un ordinateur fourni à cet effet et bloqué, ne donnant accès qu’aux renseignements domiciliés et nécessaires pour l’affaire.
Monsieur Offerlé pense à la réinsertion des prisonniers et on ne peut que l’en féliciter.
Mais Monsieur Offerlé songe aussi à améliorer l’impact de l’entreprise sur la société. D’abord au sens large, car aujourd’hui l’entreprise se voit aussi conférer une valeur immatérielle, morale, sociale et sociétale : pour preuve leurs obligations annuelles en terme de développement durable et la publication affable d’un rapport de bonnes actions, dit d’activité et de diversité ou RSE (responsabilité sociétale des entreprises).
Mais encore, projet bien heureux en terme de marges pour ces boîtes, car c’est une main d’œuvre gratuite qu’elle exploite pour qu’elle édite un énoncé qui sans doute mérite le tampon qualité.
Jusqu’à présent, les firmes ne consentent qu’à confier des prestations manuelles aux personnes incarcérées, affirment qu’elles restent réticentes quant à l’opportunité de remettre à leurs soins des points intellectuels et qu’elles rechignent à permettre à des condamnés pour peines aggravées, tel crime viol et autres atrocités, de prévoir un retour post séjour de pénalités, bref post captivité.
Pourtant en ayant recours à ces derniers, c’est bien à leur secours qu’on entend voler. D’autant que ce philanthrope, bienveillant et bienfaisant, prévoit que le résultat de son propre bilan écope d’une diminution de 20 % au profit de l’instruction desdits malfrats.
Doit-on être sur la défensive à l’endroit de cette jolie initiative? Sa vertu projective ne préviendrait-elle pas la récidive?
Pour le condamné, l’instruction provenant de sa propre action sera la voix de sa libération. Elle finira par donner un sens à sa sentence, elle lui évitera qu’il ne crie le mot vengeance, ne pleure sa peine et ne s’enchaîne, elle lui ouvrira simplement une fenêtre pour apprendre à être et à bien être. Lui fournir les clés du devenir, sans le rendre prisonnier des faveurs qui lui sont faites, c’est lui offrir un empire! Quel homme peut priver un autre homme de la plus pure des libertés, négliger ses blessures, lui imposer censure, sans être attachée lui-même par des préjugés insensés? Cet homme est peut-être beau, il attend juste que tu gommes ses barreaux. Ne mérite-t-il pas une seconde chance? Quelle intolérance! Qui te dit que dans ce corps qui a commis une erreur, il n’y a pas un homme en or qui se débat et n’aspire qu’au bonheur? Peut-être voit-il la liberté plus belle qu’elle ne l’est mais dans cette pièce carrée, il ne demande qu’à s’évader : otage de sa conscience, la connaissance pour blanchissage. Voilà entre tes mains, l’antidote du venin qui le grignote et le ligote, et tu conviens de te faire l’un des soldats du mouroir de ses espoirs? Il me semble d’abord que, pour être appelé à en juger, tu devrais te proposer pour y séjourner quelques jours dans cette pièce carrée…
« Notre prison n’a que trois murs et c’est contre le quatrième que le prisonnier s’acharne, sur ce quatrième mur invisible qu’il écrit ses amours et ses rêves ». C’est cette phrase de Jean Cocteau qui m’a appris que l’ouverture c’est l’écriture. Les rencontres ont été pour moi autant de perte d’illusions que de petites incarcérations et pour continuer à voler très haut, je me suis libérée de la terre pour approcher des airs et devenir finalement la mère de mes propres perceptions et observations. Et je n’écris pas pour professer mais pour raconter et je laisse à chaque âme le soin de se souvenir et d’y revenir, comme le proclame le Zohar.
William Shakespeare disait qu’il n’est jamais trop tard pour l’homme en captivité, puisqu’il porte « dans sa main gauche, le pouvoir d’anéantir sa servitude ». Moi je pense que sa main droite contre la solitude et l’étude contre la turpitude seront les alliés de son salut et je me battrai aux côtés de Monsieur Offerlé pour qu’ils y aient accès.
En France, la taille des cellules est ridicule eu égard à ce qu’exige la Communauté Européenne et les conditions de détention sont une offense à l’âme humaine. Mais il n’est jamais trop tard pour réparer ce drame et alléger leur pénitence. J’invite, j’incite entreprises de sous-traitance et autorités de gouvernance à soutenir le projet de Monsieur Offerlé et à y investir leur intelligence avec autant de bon sens que de condescendance.