Après David Bowie, voilà que c’est la Rock Star de l’économie, Thomas Piketty, qui refuse la légion d’honneur, pour lui préférer un bras de même qualité à destination du gouvernement, chatouillant par conséquent rancœurs et frustrations de ses ennemis, le qualifiant hâtivement de vantard.
C’est ainsi que démarrait le texte -ladite distinction comme prétexte au traitement de la large question du mérite- source d’induction, que je m’apprêtais à achever en cette matinée du 7 janvier dernier.
Il va sans dire que le récit du carnage m’interrompit prestement dans mon entreprise, paralysant l’aboutissement de mon projet ainsi que toute autre activité et ce pour les quelques jours qui suivirent…
On me l’a demandé à plusieurs reprises, mais je m’étais refusée à m’exprimer sur le sujet, ne me sentant pas la légitimité de me déclarer porte-voix d’une société aux prises avec un profond désarroi.
Puis, j’ai réfléchi… Je me suis reprise : pourquoi ne pas l’aborder à ma façon? Après tout, je suis juive, journaliste à mes heures et surtout incisive, artiste dans mes mœurs et flic dans un bout de mon cœur, fille d’un fan de Georges Wolinski de premier rang, auteur de « la plume au fusil » et j’en passe et des meilleures. C’est dire combien j’ai toujours pensé que le trait de crayon, le verbe même acerbe, la caricature, le sens de la tournure, la protestation et les représentations, en bref l’expression est la plus efficace des armes; c’est dire combien je me sens directement concernée par tout ce vacarme…
Bien sûr comme vous tous, j’ai mal!
J’ai mal à ma France et mal à mes espérances.
J’ai mal pour les familles des personnes disparues.
J’ai mal pour mon pays à moitié dissolu, avide d’intolérance et de vengeance détournée du sujet, qui beugle et frappe à l’aveugle, qui se fait de la peine et se dirige vers Marine Le Pen.
J’ai mal d’entendre les théories complotistes et révisionnistes se répandre comme un virus sans un soupçon de distinction et sans une profonde vérification de l’information.
J’ai mal de surprendre les légitimations nauséabondes de telles actions, même si comme vous je sais que face à une telle réalité, vivant dans un sept mètres carrés entourée d’ânes bâtés, je cèderais sans doute à la tentation d’un Djihad détourné de ses premières revendications, de sa première acception, dont les propagandes mensongères me vendent villas de rêves, entraînements militaires et à la clef le paradis, répondant -et c’est là toute l’ironie- à mes prières et à mon instinct de survie.
J’ai mal enfin de me dire que nous sommes en guerre et plus mal encore de vous lire le nier, car se souvenir des otages, c’est arrêter de se cacher le visage.
Et puis bien sûr comme vous tous, j’ai la frousse!
Je les vois les héritiers des Kouachi et autres Coulibaly, de leur folie et peu importe qu’ils se revendiquent d’Al Qaida ou de leurs propres tracas.
Je les perçois les prochains Mohammed Merah qui feront d’Allah ce qu’il n’est pas, qui tenteront de salir ses mains du sang des peuples qui ne sont pas le sien.
Je le prévois le futur Medhi Nemmouche qui s’en prendra à nos infrastructures avec sa haine du juif pour couverture, à l’instar de Dieudonné.
Alors tant que je respire, je vais continuer à l’ouvrir, ma bouche… Fatwa ou pas!
Je ne vais pas m’improviser analyste -d’autres l’ont fait avant moi et sans doute bien mieux que moi- ni spécialiste des actes terroristes ou par extrapolation (maladroite mais toutefois intentionnelle) des religions.
Quoique… Permettez-moi de vous rappeler que nos textes spirituels sont tributaires de l’histoire : ainsi, les dispositions guerrières et non sanguinaires auxquelles se réfèrent nos pépères sont étroitement liées aux croisades de la fin du onzième siècle et encore que ceux-ci oublient que le Coran, à l’instar de la Torah et du nouveau Testament sont des codes de vie en or à condition de les étudier à l’aulne de la raison.
J’en profite pour faire un petit coucou à la journaliste Léa Salamé qui ose déclarer que le Talmud -compilation des discussions rabbiniques à propos des lois judaiques, destinées à trouver une fragilité dans le texte à l’opposé de toute forme de rigidité dans la compréhension desdits écrits- enjoint de tuer les musulmans, quand l’Islam n’est apparu que pas moins de quatre siècles après son achèvement… (Le Talmud est complet en 200, l’Islam apparaît après 600 : Mahomet naît en 570, l’ange de Dieu lui apparaît en 610.)
Coucou…
J’ose mentionner également deux versets de la Torah (parmi de nombreux) -sans la numérotation, les yechivistes y pourvoieront- qui, pour l’un interdit formellement de tuer, venant confirmer le sixième commandement et mieux encore, par extrapolation, de toucher au corps que D’ieu nous a livré à nous et à nos co-vivants, pour l’autre astreint fermement au respect de l’être humain et de ses croyances, quelque soit son obédience.
Enfin, j’évoque la « loi du Talion » car pour ceux qui l’ignoreraient, l’adage « œil pour œil, dent pour dent » fait référence à une compensation en finance qui à l‘époque était sans équivoque…
Je ne serai donc ni analyste, ni spécialiste, ni encore juge arbitre, mais procureur de la République, défenseur d’un monde civique et au risque de vous choquer, j’appelle Dieu à la barre! Cela vous semble bizarre? Vous pensez qu’il faille que je tremble pour oser porter D’ieu sur le banc des accusés? Ou simplement faudrait-il que je me fasse soigner pour l’humaniser et l’inviter à témoigner? Bon, d’accord, vous n’avez peut-être pas tort, mais accordez-moi de m’expliquer!
Bien, de toute évidence, Dieu n’a jamais pu concourir à l’obtention du Prix Nobel de la Paix. Voilà qui fréquemment me taraude : comment se fait-il que Dieu ait laissé ses enfants s’entretuer sans jamais appuyer sur le bouton arrêt, ni même présenter ses condoléances? Nous qui pensions qu’il n’était que bonté, nous aurions-nous trompé? S’agissait-il d’une idée reçue? Non, je ne peux pas l’accepter! Dieu aurait donc des défauts? Nous l’aurions donc idéalisé? Oh et puis dommage, nous n’allons même pas pouvoir nous inscrire en faux car Moïse nous avait prévenus « Et il créa l’homme à son image »… Quel cauchemar!
Blague à part, c’est vrai que cela me tourmente, pourquoi laisse-t-il s’appauvrir, souffrir ou partir des âmes intelligentes, bienveillantes ou innocentes? Pourquoi se laisse-t-il prier, adorer ou encenser par des assistés, des arriérés ou des meurtriers?
N’est-il pas animé par la même morale que nous autres? Préfère-t-il les codes du règne animal à notre humilité, notre sagacité? Est-ce que Dieu jette sur terre des âmes comme des idées au service de tout un programme sans se soucier de leur sérénité ici-bas? Quelle foi faut-il alors avoir en l’au-delà pour accepter d’être ainsi un pion de son jeu de l’oie, quelle conviction que le paradis vaudra bien notre vie de chien ou notre triste fin faut-il nourrir!
A tous ces flottements, à tous ces énervements, tous ces échauffements, ma meilleure amie me répond souvent par une phrase qui pourrait faire le titre d’un film « il nous a laissé le libre arbitre ». Et -oh mon Dieu- ce qu’elle a raison! Pour y objecter, c’est la seule et unique façon. « Aide-toi et le Ciel t’aidera » affirme le Nouveau Testament. « Dieu aime ceux qui persévèrent » confirme Mahomet. « Allez, sème, sème et Dieu fera pousser » homologue Léon Tolstoï. Voilà le prologue : Dieu propose, l’homme dispose. Dieu compte sur nous et qu’est-ce qu’il doit avoir peur de nous… De moi avant tout, regardez, je ne le convoque jamais que face à l’effroi!
Et pour ceux qui ne croient pas en lui, est-ce à dire que tout est permis? Mais non, ceux-ci seront mus par leur « moi » à la lumière de leurs expériences, leurs émois à celle de leur conscience. Il est là Dieu dans la vision philopsychanalytique et nous autres croyants devrions avoir une vision identique : trouver Dieu en soi et arrêter de l’invoquer, de le déranger, car son nom a déjà trop servi et pour reprendre un Grafitti de Mai 68 « Si Dieu existe, c’est son problème! »
Laissons le champ libre au mérite.
A ce sujet, j’ai bien compris le jeu et je me prends assez souvent pour Dieu.
Au lendemain des terribles attentats, je me promenais à Saint Germain et assise au sol, une petite fille dans les bras, une dame à la fleur de l’âge me tend la main pour une pièce de monnaie. Me prenant pour Dieu donc, j’ai édicté une règle : je donne à tous ceux qui ne seraient plus en âge de travailler ou qui semble-t-il ne pourraient pas obtenir leurs papiers, a contrario, j’ignore tous ceux qui me semblent instrumentalisés puis spoliés par un réseau et il va sans dire que je classifie chacun de façon tout à fait arbitraire… Je passe donc avec mes talons et mon regard profond comme carapace à mon évidente culpabilité et arrivée à son niveau -coup du sort- je me tords la cheville. Par mysticisme ou par embarras, je décide de lui donner cinq euros et la réaction de la petite fille a provoqué un séisme en moi : soudain, elle a souri, les yeux lumineux de bonheur puis a serré sa maman contre son cœur en lui glissant à voix basse « tu as vu maman? Un billet! » « Oui, j’ai vu ma chérie » -a répondu sa maman- « Merci Madame »…
Voilà… « Le Monde -malheureusement- récompense bien plus souvent les apparences du mérite que le mérite lui-même ». Mais ne vous découragez pas, continuez à travailler pour mériter les honneurs, car le sentiment de les valoir ajoute tant au bonheur de les recevoir! La considération, les distinctions et la gloire ne nous sont dignement advenues que pour faire écho à notre vertu.
Vous vous demandiez pourquoi je vous citais au début de ce thème, les premières lignes de mon article éconduit? Eh bien voici que la modestie de Piketty est a posteriori encore plus révérencieuse et preuse que la légion a été allouée quelques jours plus tard, post-mortem, aux héros de la nation. En espérant que la postérité rendra autant d’honneurs à ceux qui sont vénérables que de déshonneur aux abominables égorgeurs, aux inqualifiables tueurs.
Et si Dieu est assis sur le trône de la Miséricorde, à défaut que la justice -sur terre bien sûr- ne soit dans ses cordes, je suis sûre que Dieu est Charlie, que Dieu est Hyper Cacher ou encore caissier et policier et qu’aujourd’hui, il n’est plus que la moitié de lui tant il pleure pour ses enfants et attend d’eux qu’ils redeviennent méritants.
Et si Dieu c’est toi, alors crois-moi, être grand, c’est encore plus important.