La semaine qui précéda les attentats dits de Paris -ce qui suggère aisément que nous ne sommes ni les premiers ni les seuls à vivre en prenant en compte cette amère réalité d’une facilité violente et d’une normalisation écoeurante de leur commission (à se demander qui est bégueule! A bon entendeur!)-
… Bref, la semaine donc qui précéda les attentats, je me suis rendue au théâtre comme assez souvent ou tout du moins le plus souvent que mon emploi du temps veuille bien m’en offrir le loisir, c’était au Lucernaire et j’y ai vu une pièce -non un quasi conte- absolument extraordinaire.
Une chimère, un dessein évidemment irréaliste mais sans vice, une heureuse abstraction fruit de la vive imagination du brillant Israël Horovitz, une brève illusion, une trêve, certes une utopie mais d’une si jolie fantaisie, si jolie fantaisie au service d’une merveilleuse allégorie, la proposition d’un monde meilleur mais en vain, contraint d’adopter un certain pragmatisme, sans cynisme.
Il est trois heures du matin, le Chancelier Stroiber se réveille en sursaut, trempé de sueur. Il vient de concevoir un projet inouï. Il convoque les médias du monde entier et lance une invitation à six millions de juifs à venir poursuivre leur destinée en Allemagne…pour y vivre… Le message -entre outrage et hommage- sera massivement diffusé et sèmera autant d’agitation que de confusion, autant d’insurrection que d’émotion.
Avec une agilité inspirante, les trois comédiens de la Compagnie Hercub’, Sylvie Rolland, Bruno Rochette et Michel Burstin (il reçoit, le bien heureux, ma mention coup de coeur) -qui ont également adapté et mis en scène ce monstre-génie- nous emmènent en habitant non moins de cinquante personnages disposés à réagir à ce mirage: de la mère de famille des Etats-unis au révolté du Bounty, du docker au parti des Travailleurs, du rescapé de la Shoah à l’ado-tracas en pleine poussée d’acné.
Pourquoi je vous raconte tout cela me demanderez-vous?
Non, je ne suis pas devenue critique ni même prophétique.
Non ce n’est pas seulement pour faire un pied de nez à ceux qui -il y a peu- m’assénaient que la politique ne peut être porteuse de sentiments profonds quand à l’âge adulte, notre conscience est bien la première science que nous percevons mais qui nous insulte, le premier vecteur arbitraire de nos sensations de bonheur ou de mauvaise humeur.
Non ce n’est pas non plus pour opérer quelques analogies adroites mais qui vous fileraient les mains moites avec le dossier des migrants.
Ce n’est pas pour vous répéter « Plus jamais, Plus jamais! ».
Ce n’est pas pour vous rappeler que ceux qui ont fait ruiner, déporter, fusiller, enterrer nos parents, grands-parents, arrières grands-parents et autres anciens étaient des gens ORDINAIRES, des « gens ordinaires », des gens ordinaires…
Mais déjà je vous mens! Bien évidemment que c’est pour toutes ces raisons, sous couvert d’Espace Vital, que j’entreprends avec vigueur ou simplement dorlote l’aspiration que pour cet anecdote s’emballe votre coeur.
L’espace vital, le champ d’une infinité d’options et de directions, insondables, innombrables… Formidable!
En chaque point qu’il occupe, l’être humain inspire, expire, attire, admire, désire, finit par haïr, sait construire, se faire élire, mentir et détruire… Glup!
Il est donc partout le même! Partout il respire le même air, se meut dans ce corps imaginaire que l’on nomme l’Univers, partout il n’est qu’une partie du tout.
C’est forts de cette philosophie, que nous autres -les hommes- nous avons accepté la mondialisation et participé globalement (ce n’est pas un jeu de mots) gaiement à son fonctionnement.
Oh ben alors?… Pourquoi nos morts nous semblent-ils soudainement plus importants que ceux de nos jumeaux d’âme? Le Cameroun, le Mali, le Nigéria, Israël, le Yemen, la Syrie, la Mauritanie, le Liban, le Pakistan, l’Afghanistan, le Sri Lanka, la Lybie, la Turquie, la Tunisie, l’Algérie, la Russie, l’Iran, l’Irak ou l’Ouganda… Cette liste est non exhaustive… soixante-dix ans d’un destin malchanceux pour nombreux d’entre eux.
Pourquoi avons-nous attendu que nos enfants tombent, qu’explose ici la première bombe pour nous révolter…non pardon, nous émouvoir avec passivité?
Comment oserions-nous nous opposer à ce que notre tortueux Gouvernement décide d’intervenir en Syrie pour sauver nos cadets ou garantir notre sécurité au risque de provoquer le courroux de ces fous? Vous pensez qu’il est incapable d’une action ciblée? Mais bordel, c’est bien vous qui l’avait élu pour nous représenter… nous REPRESENTER! On croit rêver.
Comment pourrions-nous être si mal aimables et rejeter les nouvelles arrivées dans notre charmante contrée pour un simple aveu d’impéritie à faire le tri entre personnalités bienveillantes et malveillantes? Nos dirigeants n’avaient-ils pas été alertés et avisés de l’identité des vilains infiltrés par certains services secrets étrangers? On invoque les théories du complot, on convoque au banc des accusés ses habitués? N’est-il pas temps de coopérer et de nous renforcer plutôt que de fabuler?
Enfin, comment appelle-t-on encore les musulmans à -je cite- « se positionner » par rapport à DAECH, à « s’exprimer sur le sujet »? Vous êtes cons ou quoi! A l’émergence de cette mouvance meurtrière qui disait manger avec la cuillère d’Allah’, j’entends la requête, mais enfin à l’heure où nous savons -preuves à l’appui- que leur idéologie est abjecte et bien loin des fondements même de l’Islam, c’est infâme de faire encore l’amalgame!
Pour rappel : – Source Coran Sourate V, Verset 32 « Celui qui a tué un homme qui n’a commis aucune violence sur terre ni tué, c’est comme s’il avait tué tous les hommes. Celui qui Sauve un innocent, c’est comme s’il avait sauvé l’humanité toute entière. » Sourate VI, Verset 151 « Ne tuez pas la personne humaine car Allah l’a déclarée sacrée »
– DAECH : Ressources estimées 2 milliards 300.000 Euros; ressources potentielles à venir reposant sur la spoliation d’oeuvres d’art, leurs exploitations en nature (pétrole, blé, coton) ou en créatures (kidnapping, esclavage sexuel) 220 milliards!
Ca ne vous met pas sur la piste? Affirmez encore que ce qui intéresse lesdits expansionnistes c’est la religion de Mohammad, Ali et compagnie et qu’ils sont des islamistes dérangés, détraqués, cinglés ou je ne sais! C’est délirant! Ce ne sont jamais que des hommes, oui des hommes, je dis bien des hommes, hors de question de leur faire la part belle, de les demi-excuser en les qualifiant autrement, des hommes je disais, avides de sang et d’argent!
Sont-ils braques? Veulent-ils une nouvelle baraque, l’Etat Islamique? Mon « hique »! Ils veulent du sexe et de l’argent, comme vous tous, vous voyez!
Ah je lis, par ci et par là qu’on les drogue avant qu’ils ne se jettent dans l’arène! Déresponsabilisons-les, bien joué! Parce qu’ils se sont retrouvés par hasard au camp d’entrainement en Syrie ou pire chez Jawad à Saint-Denis, à servir le Djihad? Ca suffit ces conneries! Le sexe et l’argent je vous dis!
Ah les Houris, ces jolies vierges du Paradis, aux yeux de perles et aux solides mamelles, quelle douce allégorie! Je vous mets donc au défi de trouver une femme de djihadistes qui soit belle comme une rose…du Paradis. Eh oui, j’ose! Aveu d’impuissance, car le Paradis, telle une romance, vole jusqu’à nos oreilles comme un symbole : il s’agit d’être soi-même parfait, sculpter notre espace à volonté, le changer en un monde meilleur, conduit par notre pureté intérieure.
La vie est beauté Abou Bakr Al-Baghdadi, admire-la, elle est bonne savoure-la, délecte-toi. Et puis mets-toi un peu de musique, je sais ça pique mais danse, entre en transe tu vas voir c’est hypnotique!
Mmmm… J’ai l’intuition que je vais recevoir une fatwa, mais qu’est-ce qu’une intuition si ce n’est que la fugacité des expériences passées?
Pour finir de les énerver, je vais vous raconter une histoire…de la Torah!
Nous connaissons tous l’injonction « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». La torah ajoute « Je suis D’ieu ». Est-ce une joute gratuite qui nous invite sévèrement à nous soumettre? Rabbi Schlomo Ben Itzhak Hatzarfati dit Rachi, brillant exégète et interprète de ces textes commentait cette sommation en narrant :
– Il était une fois deux amis qui s’aimaient sincèrement, puis la vie les sépara, l’un partit s’installer en Israël, l’autre en Turquie; jusqu’à ce qu’un jour, pris d’un sentiment de nostalgie, l’israëlien -qui avait construit son nid et avait une famille- se souvint de son ami si essentiel à sa joie. Il entreprit alors un voyage vers l’Empire Ottoman. Il se fit malheureusement arrêter à la frontière, soupçonné d’espionnage et emprisonner aussitôt. La nouvelle parut dans les journaux locaux, fit même la une et l’ami qu’il était venu retrouver, y reconnut celui avec qui il avait tant partagé. Fort d’une fortune importante et d’un certain pouvoir, il se rendit à la prison pour négocier avec le geôlier qui ne voulut sursoir au châtiment. L’ami turc proposa un arrangement, il prendrait la place du premier le temps qu’il puisse rentrer dire au revoir aux siens et ce dernier reviendrait pour supporter sa peine. Au fond, cet homme si bon offrait à son compagnon une chance de s’échapper et de ne jamais se présenter. C’était se tromper sur sa décence et son intégrité car une fois que ce dernier eût embrassé ses enfants et sa moitié, il rebroussa chemin et revint prendre sa place au cachot. Les deux amis finirent par se battre au nez du geôlier pour rester et libérer son alter ego. Le geôlier fut pris d’affection pour ces deux inconscients au coeur si grand et à l’amitié unique, si authentique. Il les relâcha tous les deux pour leur plus grand bonheur. Rachi alors nous apprend que si vous portez un respect aussi important à ceux que vous dites aimer, Dieu aura également envie de devenir votre ami.
Vous comprenez? Retirez D’ieu de l’équation si vous préférez, regardez cet enseignement comme une illustration, une figuration. Nul n’est besoin d’impliquer D’ieu ni d’avoir la foi pour comprendre qu’un sourire offre le droit à un sourire, pour entendre qu’une bonne action est la plus jolie des satisfactions.
L’espace de ta vie sera le même que tu la parcours en aimant ou en haïssant. Si tu aimes, tu récoltes ce que tu sèmes. Mais si tu invoques D’ieu, non tu convoques D’ieu, par pur égocentrisme, pour accéder à une forme d’éternité dans le temps et dans l’espace par le prisme de celui qui tu ne cesses de déranger, alors sous couvert d’immortalité, tu te bornes à vivre ta morne individualité, pris au piège dans un uniforme étriqué, tel un oiseau en cage banni de l’horizon. Pourtant, comme les plus beaux voyages sont intérieurs, les plus beaux visages sont honneur et valeur, grâce et audace, affranchis de cette contrainte du temps et de l’espace.
C’est notamment pour cette raison que j’ai accordé au théâtre une place au sein de mes passions, puisqu’il s’y trouve que mes pensées y font briller mes yeux, y habillent mon regard d’or et qu’encore elles animent mon corps lui offrant tout un boulevard pour espace de jeu. Oh combien est-il irrésistible et plein de saveur de pénétrer l’espace intérieur d’un être, son écorce, cette force invisible qu’est son esprit!
Ce n’est donc pas un hasard si cette année, les films qui m’ont le plus touchée, emportée voir ébranlée sont : Le fils de Saul et Nous trois ou rien. Il y est question d’espace: le premier en s’autorisant la création de cet espace intérieur que nous référencions, par la projection de ses derniers élans d’amour sur un enfant décédé, qu’il eut été réellement de son sang ou non; le second en élargissant son espace extérieur lorsqu’il en fut l’heure, un bout de l’histoire au service d’une reconstruction, des joies, des indignations, les larmes d’une juste révolte, le courage d’une digne colère, une main à présent tendue vers ceux qui -de près ou de loin- leur ont tant ressemblé, l’audace d’une nouvelle vie gagnée à la force du cœur dont le fil se déroulera désormais avec eux, eux qu’il est si bon d’aimer.
Alors c’est vrai nous sommes menacés et ballotés entre méfiance et alliance, entre prévoyance et défiance.
Oui c’est vrai l’état d’urgence a été décrété mais il a bien été retardé, n’aurait-il pas dû l’être à l’époque de l’affaire de cette tarlouze que l’on cite encore trop, en mars 2012, qui avait lâchement assassiné un papa, trois enfants et trois soldats? Rien n’a été fait! Pourtant, par delà l’effroi que représentent ces meurtres de sang froid, il y avait bien là un affront catégorique à la République, puisqu’il s’agissait de militaires.
Oui c’est vrai, il faut penser à « déradicaliser » comme on l’entend communément, et il faut donc éduquer, mais n’est-ce pas un peu tard? On a beau être bavards à ce sujet, ne reste-t-il plus qu’à ramasser les « peaux » cassés et encaisser? J’ai longtemps pensé détenir la solution en suggérant d’envoyer des émissaires tous les mercredi après-midi dans les lycées en difficulté et autres foyers afin de permettre aux jeunes en mal de devenir de rêver à une autre réalité, leur offrir de se construire un avenir, mais est-ce suffisant? De Gaulle, qui ne porte pas que des trophées sur son épaule, avait judicieusement proposé la création d’un « Ministère de la Politique et de la Jeunesse » afin que plus jamais ne se produise ce qui venait juste d’arriver; les communistes, pourtant parmi les cibles du démon vichyste et autres nazis, ont rendu cet intitulé inéligible pour lui préférer l’appellation de « Ministère de la Jeunesse et des Sports », les pieds dans la tête ou le cerveau dans les mollets, on était mal barrés!
Oui c’est vrai qu’on étiquette au risque de causer le tracas de ceux qui vont perdre leurs emplois: qu’il s’agisse du marquage sur les fruits qui feront perdre leurs profits à tous les palestiniens et arabes israéliens qui travaillent pour lesdites entreprises, ou l’étiquetage de la tronche de nos concitoyens, qui sont désormais traités comme des chiens et placés en marge de la société pour porter la charge d’un teint un peu trop hâlé.
Alors oui c’est vrai qu’on a peur, qu’on est de mauvaise humeur, mais si nous savons que nous n’échappons pas à la règle, si nous devinons qu’ils recommenceront, alors opérons comme tous nos jeunes voisins du monde, qui recèlent le mérite de l’intelligence et de la juste insouciance, qui se rebellent en dominant l’espace, un espace de liberté et de bonté.
C’est mon voeu, soyons comme eux, faisons de tout un régal car ce tout c’est notre espace vital!
J’en profite pour féliciter Abou Lbarae Kahtani, cinquante et un ans il y a peu, qui vient de prendre la main (euh non il ne lui a pas coupé pour l’instant) je veux dire d’épouser la belle Hind Nawaf, six ans. Pour Rappel, l’Arabie Saoudite siège à la Présidence de la digne Commission des droits de l’homme de l’ONU. Ben oui, pourquoi pas?
« Si j’avais su, j’aurais pas venu ».
Bonne soirée.