Nous sommes vendredi après-midi et j’ai enfin un instant de répit -faisons comme si ma vie était remplie à l’excès- un instant de répit, disais-je, consacré à un florilège de choses intéressantes au rang desquelles le raccrochage à une émission tout à fait éloquente (i mean « éclairante ») sur France Culture.
Il y est question de la Loi El Khomri et de toutes les tergiversations et autres oppositions qui entourent tant son texte que son adoption, le prétexte pour engager un débat de fond sur le rapport des français à leurs corvées.
Force est de constater -à mon immense désolation- combien pour notre jeunesse, gagner son pain semble devoir rimer avec confort et plutôt qu’ils ne fassent de leur profession le terrain de jolies prouesses, les voici qui crient à la menace! Quelle tristesse!
A l’exception d’un intervenant tout à fait cohérent et visiblement brillant, un jeune avocat qui lui ne semble pas avoir perdu de bras, on se demande quel âge ont les différents participants pour miauler ainsi?
D’aucuns considèrent qu’il n’est pas nécessaire de mériter sa survie et que travailler est un dû et non un plaisir ou plutôt une sorte de punition qui ne devrait être obligation même aux fins de se nourrir, de se vêtir, de se loger, tant et si bien que la société en tant qu’entité devrait y suppléer, en être le complet relais.
D’autres encore planent autant en affirmant que nous les français, ne sommes -je cite- « pas suffisamment pris en charge ». Nul n’est besoin d’ironiser, vous savez déjà combien nous sommes les pro’ de la targe contre l’effort!
Le dernier enfin, un peu plus malin que les premiers, se fait pourtant le porte-voix pas vraiment incisif d’un machin qui se proclame collectif, collectif de la « génération précaire » .
Mais on rêve là, pincez-moi! Génération précaire? Mon dieu, mes grands-parents doivent se retourner dans leur tombe! Les leurs aussi d’ailleurs!
Mais mes aïeux, nous formons la seule génération qui n’a pas la guerre en mémoire, la seule génération qui n’a rien à reconstruire, tout à bâtir, la seule génération dont le présent est un sourire à défaut qu’elle ne sache préparer son avenir, la seule génération potache, ou plutôt tâche, pour laquelle tout a été prémâché, ruminé, chiqué, jusqu’à ce que les dents de papi mamie ne s’en trouvent déchaussées, la seule génération dont tous les souhaits peuvent être exaucés et malgré tout cela, celle qui préfère y sursoir!
« Et les trente glorieuses? » allez-vous rétorquer!
Certes, la base de notre Code du Travail tel qu’édicté en 1973 (révisé suite à une ordonnance de 2007 et des dispositions réglementaires en 2008) a été édifiée à une époque où l’on ne souffrait guère du chômage, mais oserais-je vous rappeler que la France dans laquelle on vivait alors n’était pas la France radieuse que nous connaissons? On sortait de la guerre, tout était à refaire! Nos parents -eux- ont été forcés de faire ce que vous détestez : travailler!
Ce n’est pas de la provoc’, c’est la stricte réalité!
Démolition, ponçage, brossage, fabrication, fondation, élévation de combien d’ouvrages! Le quartier la Défense notamment, générant des milliers d’emplois pour nos générations, on le leur doit, figurez-vous!
J’ai honte! J’ai honte que notre jeunesse représentative n’invective que pour se montrer passive et régressive, j’ai honte qu’elle demande de l’assistance au lieu de considérer sa chance.
Sa chance? Celle de vivre dans un monde au sein duquel -même en démarrant à poils- toutes les perspectives sont projectives et prérogatives; où tout le monde -même le plus con des plus cons- peut prétendre entreprendre au lieu de faire dans son froc et en sus y parvenir, ou mieux réussir!
Nous vivons à une période magnifique au cours de laquelle grimper dans une fusée qui mène jusqu’aux étoiles n’est plus seulement une hyperbole! Quelle veine nous avons!
Moi j’ai de l’appétit en votre lieu et place à tous! Je ne crois pas au génie; je ne crois qu’à l’audace, à la détermination, à la volonté, la ténacité et l’obstination qui seront fruits de mille satisfactions!
A l’instar de Virgile, je spécule « qu’un travail opiniâtre vient à bout de tout »
Mais apparemment le travail fatigue même les abrutis! Eh bien qu’on les bouscule, non mais!
J’en entends un se lamenter, exprimer sa souffrance et son mécontentement, face à l’ubérisation inique du marché et -par suite ou pour suite (ou les deux)- l’informatisation de l’ensemble des domaines d’activités!
T’a-t-on anesthésié la boîte crânienne pour qu’elle en ait perdu ses facultés et son peu d’intelligence?
Ne s’agirait-il pas là plutôt d’une aubaine au sein d’une société de services qui se crée besoins et envies à mesure qu’elle respire? N’y a-t-il pas alors un empire de possibilités qui s’offre à toi tout entier?
Une simple connexion internet et hop tu as un métier, tu peux l’apprendre -si ce n’est le comprendre- tu peux vendre, acheter, échanger, tout envisager.
Je laisse de côté le cas marginal, le scandale du sans-domicile (permettez-moi de relever que l’ajout du suffixe « fixe » est d’ailleurs bien inutile) qui lui -en revanche- mériterait davantage de respect, d’intérêt, de ménagement, d’amour, de secours ou de soutien qu’un petit billet dans sa manche ou qu’une caresse sur la tête de son chien!
Quant à la robotisation… Evidemment que le gain de temps se voit opposer la contrepartie diabolique qu’est l’humain… enfin je veux dire… la diminution du nombre de mains nécessaires pour faire fonctionner l’univers.
Mais plutôt que d’avaler de travers, pense-toi unique, car alors aucune machine ne saura remplacer ta divine apparition dans le décor ni ne contestera ta valorisation d’or!
Martin Luther King disait : « Tous les progrès sont précaires et la solution d’un problème nous confronte à un autre problème. »
Alors que ceux qui l’ont molle et qui déplacent leurs déficiences sur Monsieur « pas de bol! » aillent donc s’adresser aux immigrés de la première génération, aux français des années quarante, aux enfants d’antan qui auraient bien aimé se trouver à leur place et qui ont tant donné pour que nous évoluions avec une telle facilité! Oh oui, ça me tente qu’ils leur filent une belle correction!
J’ajouterai encore que ce qu’il y a de plus joli sur cette terre est précaire : l’amour et la poésie au premier rang si liés qu’ils sont à l’intime et au fragile -ou même les heures qui passent, le temps est vorace- tant et si bien qu’ils ne peuvent nous offrir bonheur qu’au pire de leur émanation émotive.
Pourtant force est de constater qu’ils vivent, ils vivent et survivent à l’extinction d’une génération, à la postérité, au travers d’une descendance ou encore d’une romance consacrée dans l’immortalité de Rimbaud, La fontaine, Verlaine, Voltaire, Baudelaire ou Proust.
Alors Oust les opposants systématiques, les bobos récalcitrants, les revêches dogmatiques et convenus de mèche avec les ingénus qui conduisent nos sinuosités!
Moi j’en veux encore du branlant, de l’innovant, du risqué, de la nouveauté.
Oui, le bonheur réside dans le changement!
Mais oui, j’ai bien saisi ce qui vous soucie : nos jeunes sans emploi, en galère d’affectation, pas ou trop de qualification pour cette place, les plus vieux ont déjà occupé l’espace et ont les dents acérés quand il s’agit de leurs fonctions et position.
Alors expliquez-moi pourquoi il convient de s’opposer à la Loi El Khomri?
Le point fort de ladite loi c’est la possibilité de se détâcher d’un salarié encombrant facilement : d’abord en privilégiant intérim, contrats à durée déterminée (CDD) et autres formes temporaires d’embauches par rapport au trop souvent plébiscité contrat à durée indéterminé (CDI) qui décourage l’employeur et le condamne à une certaine torpeur; ensuite en prévoyant un plafonnement des indemnités de licenciement en cas de licenciement abusif (sauf pour harcèlement bien sûr), rendant prévisible le montant alloué devant les juges des prud’hommes; enfin en élargissant les cas pris en compte avec validité dans le cadre d’un licenciement économique. Fantastique! Ce sont plutôt les anciens devenus moins compétitifs qui ont à se faire du chagrin!
Alors qu’est-ce qui vous chiffonne? Tout est élaboré pour que jamais cela ne bouchonne à l’entrée!
Ah c’est ce bon vieux sentiment d’insécurité?
Pourtant, plus de 84% des recrutements se font aujourd’hui en CDD et non en CDI, bien que le second soit plus taxé que le premier. Le travail est un cadeau mes petits agneaux!
Quand je pense que le mot « travail » tire son origine étymologique du latin « tripalium »! Vous savez l’instrument de torture à trois pieux utilisé par les romains pour punir les esclaves rebelles. Je pense qu’il va me falloir un valium!
A moins que ce qui vous rend chafouins c’est d’être contraints de faire vos preuves? Mais le challenge abreuve, sans lui vous mourriez d’ennui et il se pourrait bien que vos vices ne s’enrichissent.
Ou alors est-ce l’abandon des trente cinq heures qui vous fait peur?
Ne vous en faites pas, travail bien réparti jamais n’assassine!
La vie fleurit avec quelques épines mais ne soyez pas amère et arrêtez de faire des manières, saisissez-la par les pétales, voilà tout!
Alors oui c’est vrai, El Khomri a commis quelques maladresses, certes quelques priorités ont, elles, été inversées, le carcan juridique mal maîtrisé, mais le dessein était enfin oh combien noble au sein d’une France qui exigeait une réforme du droit du travail dans un pays plombé par une flemmardise organisée, normée et revendiquée et qui grogne dès qu’on la chatouille sous les acquis.
Certes, une disposition anticoncurrentielle sur les modifications des contrats des salariés s’y est glissée. Certes encore, la fiscalité défiante et le statut des sociétés de type startup, entreprises innovantes et autres pôles d’attractivité ont été complètement sucrés dudit projet absolument imparfait!
Mais a minima, je salue qu’elle a eu des «..ouilles »!
Alors si l’oisiveté vous sied, continuez à défiler et à vous égosiller!
Il me parait pourtant que moins d’énergie vous ne consumeriez à tâcher d’être dignes de vos aînés.
A méditer!
http://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-moudre/marche-du-travail-le-plus-dur-c-est-d-y-entrer