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Soylent green…

Après Findus, voilà que la société agroalimentaire Spanghero, principal fournisseur sur le marché européen de viande de bœuf est montrée du doigt; on y aurait trouvé plus de quarante tonnes de viandes chevalines, impliquant de fortes suspicions de substitution.

La PME Comigel, qui a fabriqué les révoltantes lasagnes à la viande de cheval distribuées par Findus et Picard, dont  le siège social est à Metz et dont l’usine de production des plats incriminés se trouve au Luxembourg, a porté plainte contre X en France et au Luxembourg pour tromperie, falsification et escroquerie. Elle assure bien-sûr qu’il lui était impossible de déceler la supercherie orchestrée par son ravitailleur susnommé. Motif: cuisson sans décongélation, rendant indétectable la « tromperie organisée » par sa couleur et par son odeur. Et puis, « elle portait l’estampille sanitaire française apposée par Spanghero », s’est défendu le président de Comigel!

Je cherche à savoir ce qui suscite l’indignation? Est-ce la trahison, la traîtrise, la carotte –oui carotte c’est parfait dans cette situation- la carotte qu’ils nous ont mise qui nous scandalise? Ou n’est-ce pas plutôt parce que l’on sanctifie le fidèle destrier, la belle monture à fine allure, le fier alezan si élégant que l’on crée l’événement?

Ah bon? Ça ne se fait pas de manger du dada? Parce que les vertus seraient au bœuf et le vice monterait à poney? Oh non non, c’est parce que le bourrin est le meilleur ami de l’humain! Et pourquoi cuit vapeur il ne serait plus dans nos cœurs?

Blague à part, c’est vrai que c’est un beau barbare mais jamais un bon cheval ne deviendra plats cuisinés alors s’il est condamné?

Si l’on suit un certain courant de pensée, manger de la viande c’est déjà commettre un homicide irraisonné; la viande de cheval ce ne sera peut-être que la quintessence, l’excellence, le nec plus ultra de ce que l’on trouvera? De manière plus particulière, en Angleterre…

Je suis d’accord que le faux semblant est inconvenant, même très déplaisant, voire traumatisant, mais on le sait, l’honnêteté n’a jamais fait manger. Peut-être qu’il vaut mieux être cheval que charrette!

Alors voilà ce à quoi, moi, j’ai pensé… Avez-vous vu le film des années soixante-dix « soleil vert » réalisé par Fleischer et inspiré du roman de Harry Harrison? L’action du film se déroule en l’an 2022. New York baigne alors dans une étrange lumière jaune, qui a détruit la flore et la faune. Très peu de terres sont encore cultivables et les habitants qui n’ont pas les moyens d’acheter des produits naturels, à cause de prix exorbitants, consomment un aliment de synthèse développé par la multinationale « Soylent »: le soylent green (contraction de soybean-lentil soit lentille de soja). Au fur et à mesure des pérégrinations de Thorn et de son ami Sol, l’on découvre que le soleil vert est composé de cadavres humains. Tout ceci, grâce à une immense manigance des pouvoirs publics, de mèche avec les industriels: des manipulations, des malversations, de douteuses tractations pour détourner les corps de l’incinération et conserver les précieuses denrées. Quand on sait que les faits ont lieu en 2022 et que l’on prête au thriller la qualification de figure d’anticipation, on est en droit de se projeter…

Et si dans moins de dix ans, on découvrait des bouts de nous dans le ragout? Et si la fiction ne s’appliquait jamais qu’à dépeindre ce qui se profile à l’horizon? Vous trouvez ça barjot, oui c’est un peu dingo, mais songez un peu aux camps de concentration, ça va vous faire tout drôle.

Bon d’accord, ce ne sont que des divagations à visée exclusivement rhétorique mais enfin, comme disait Charles Baudelaire dans l’Art Romantique « tout homme bien portant peut se passer de manger pendant deux jours, de poésie, jamais ».

Et si vous perdez aux courses, il vous sera permis de prendre votre revanche, en achetant des lasagnes…de cheval…avec un peu de chance!

Un baiser…

Lorsque j’étais petite fille, dans un coin de ma chambre, juste devant mon lit, j’avais édifié un petit théâtre. Je pouvais y grimacer et y faire des simagrées, le pied!

J’apprenais par cœur des textes entiers que l’on me choisissait, qu’ils soient heurts ou bonheur et je les récitais pendant des heures sans réellement en comprendre la teneur.

Il arriva qu’un jour Christian de Neuvillette, amant infortuné, s’agenouillât au balcon de sa bien-aimée pour lui déclarer:

« Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce? Un serment fait d’un peu plus près, une promesse plus précise, un aveu qui veut se confirmer, un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer; c’est un secret qui prend la bouche pour oreille, un instant d’infini qui fait un bruit d’abeille, une communion ayant un goût de fleur, une façon d’un peu se respirer le cœur, et d’un peu se goûter, au bord des lèvres, l’âme! »

Je m’en souviens comme si c’était hier, Cyrano de Bergerac, acte trois scène dix, un délice… A ceci près que je n’en saisissais pas vraiment le sens.

Puis un jour tu m’as embrassée et alors il m’a suffit d’un instant pour déchiffrer le plus important.

Le serment contenu dans le baiser reçu: l’arôme des moments annoncés, la promesse d’une caresse, l’aveu que désormais les cieux sont suspendus au bleu de mes yeux et l’humanité à ce seul baiser, un silence plein d’abondance, un secret bien gardé, la rencontre merveilleuse de deux âmes mystérieuses, comme si l’on nous soufflait « pour l’éternité ».

Alors voilà ma passion, mon frisson, si je t’écris ces quelques mots c’est parce que mon encre aussi veut embrasser le papier et si mon amour est inquiet c’est simplement de ne plus recevoir tes baisers. Eh oui, tout ça pour un baiser…

 

 

L’associé du diable

Je suis scandalisée de lire que la souscription aux idées du F.N. n’a jamais été aussi importante.

Selon un sondage de ce mois de janvier, près d’un tiers des Français adhèrent aux pensées frontistes. Pire encore, le parti d’extrême droite ne représenterait « un danger pour la démocratie » qu’aux yeux de 47% de sondés.

Autrement dit, chers amis, plus de la moitié d’entre nous considère que la monstruosité incarnée n’est pas effrayante.

Oui je sais, vous allez me répondre que les questions posées aux sondeurs sont orientées d’une façon telle que l’on ne peut même en deviner la teneur et que le résultat n’est pas forcément identique si on enlève du package les consensus pour ne garder que les éléments diabolisant.

Vous allez vouloir m’apprendre que tant que le parti subit des divisions internes, il n’a nulle chance de succès et qu’il n’est que l’outil d’un duel gauche/droite à des fins électorales.

Vous soulignerez encore que puisque les prochaines élections ne rentrent pas dans l’équation, il manque l’aspect projection dans l’axe de réflexion; ce n’est pas tout à fait con, seulement souvenez-vous que c’est la diminution post-élections qui a calmé le jeu des présidentielles de 1995 et 2002.

Vous me rappellerez enfin son historique latence en quarante ans d’existence, mais c’est là que je tirerai la sonnette d’alarme, c’est bien le drame, l’enfer prospère!

Le front national, magnifique appellation adoptée par de téméraires résistants en temps d’actions, détournée de son originaire signification au service d’une idéologie paralysée et paralysante! Un système de pensée hostile aux réalités, capable de causer bien des peines puisqu’il s’appuie sur la haine.

Son cheval de bataille, l’intérêt national? Karl Marx enseignait que toute classe, tout celui même qui aspire à la domination « doit acquérir d’abord le pouvoir politique pour présenter à son tour son intérêt propre comme étant l’intérêt général », vilaine manipulation! Bien-sûr, Marine sait séduire avec ses grands sourires, mais écoutez-moi bien, c’est le sourire de l’horreur, il n’y a pas pire tyran que celui ou celle qui impose en douceur. A urbanité extrême, méfiance extrême! La terreur est logée là dans l’anticipation d’un coup de fusil, pow! Vous l’entendez, c’est le souvenir des exterminations, la forme la plus extrême de destruction. Est-ce une inconvenante vérité? Je ne crois pas et Kundera semble d’accord avec moi: « les extrêmes marquent la frontière au-delà de laquelle la vie prend fin et la passion de l’extrémisme, en art comme en politique, est désir déguisé de mort »!

Les affaires publiques sont confuses: la gauche est au centre et adopte des dispositions de droite, la droite, elle, prend souvent des mesures de gauche et parfois chacun part à l’extrême et abuse. Mais je ne vous pardonne pas à vous, moitié de français qui oubliez. Il faut être vide, vide de raison et vide d’émotion pour légitimer de telles opinions. Alors quoi, est-ce la peur qui vous pousse à n’importe quelle décision? Moi, je crois voir dans cette quasi-collaboration avec le démon la résultante d’un sentiment d’épouvante dans le prisme du terrorisme… Parce que vous pensez, vous, qu’il y a là une solution ou une condamnation, quand Madame fait l’amalgame entre immigration et agression? Eh bien non, les extrêmes flirtent, se frôlent et se nourrissent, ils ne s’avalent pas, ils se mangent, l’un produit l’autre et reproduit l’autre, chacun propage sa perfidie, l’un par l’écrit, l’autre par les cris, l’un par de drôles accusations, l’autre par d’immondes actions; le parti est l’associé du diable.

Tous les deux ont omis qu’aussi intense soit-elle une idéologie n’a pas la rigueur de la science et qu’elle ne s’imposera à l’homme que s’il la reçoit en toute prudence, qu’il marche au milieu des deux extrêmes, c’est celui-là le meilleur des systèmes!

Le 11 mars 2007, Jacques Chirac, « l’ami de Sadam », c’est fort de café, a magistralement déclamé: « Ne composez jamais avec l’extrémisme, le racisme, l’antisémitisme ou le rejet de l’autre ». Ah voilà qu’on s’entend! Vous n’avez pas le droit d’aimer les extrêmes quand vous connaissez les intentions de ceux qui les sèment. Ne négligez pas que de s’inscrire dans un mouvement idéologique c’est devenir soi-même l’idée et c’est là le danger pour nous français!

Alors si Denis Diderot affirmait que la règle du poète était de se jeter dans les extrêmes, la règle de ma prose sera au contraire de vous en garder et de vous empêcher de vous jeter dans l’antre du diantre.

Justice sauvage

 

« La justice, ça se rend, ça ne se vole pas! » Fernand Raynaud, France Inter, 14 novembre 1967.

Je lis ce matin, un article sur l’AGRASC, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. Il s’agit d’un établissement public administratif placé sous la double tutelle des ministères de la Justice et du Budget, créé par la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale. Déjà, je tombe des nues. Puis je continue la lecture… Ladite loi est entrée en vigueur suite à la publication du décret en Conseil d’État en date du 3 février 2011, inséré dans le code de procédure pénale aux articles R. 54-1 et suivants. J’étais vraiment passée à côté!

Cette loi, afin de mieux appréhender les profits générés par la délinquance et le crime organisé –entendez ce que vous voulez- et, ce faisant, de renforcer l’effet dissuasif de la sanction pénale, a élargi le champ des biens susceptibles d’être saisis. Elle a également créé une procédure de «saisie pénale spéciale aux fins de confiscation» «plus adaptée» -nous assure-t-on- que les procédures civiles d’exécution, «complexes et coûteuses». Cela ressemble bien à un véritable mode de justice privée! Et voilà que l’on nous remet en cause les bonnes vieilles procédures que les élèves en droit, à l’unanimité, peinent à apprendre tant elles sont riches et sophistiquées afin justement de garantir l’équité…devant les tribunaux.

Non, non, non, attendez, sans doute que la composition de ladite agence en est le garde-fou?! Voyons cela, elle est dirigée par un magistrat de l’ordre judiciaire et dotée d’un conseil d’administration également présidé par un magistrat de l’ordre judiciaire, elle est composée d’onze agents provenant des ministères de la Justice, de l’Intérieur et du Budget. Ah oui super, alors là c’est sûr, aucune influence ni des convictions personnelles de ceux qui la constituent, ni des orientations politiques de la tendance au pouvoir… On se fout de nous là!

Je crois que tout le monde connaît sur son propre air, de sa propre manière, ce dicton russe pas tout à fait abscons, pour ne pas dire con «ne te méfie pas de la justice, crains plutôt le juge». Et parce qu’ils seraient onze, son impartialité serait préservée? Mais ils sont onze en provenance de la même gouvernance, ils ont la même attirance, font la même révérence et ils sont l’Agence! Ainsi, au lieu que le pouvoir ne dispense la justice, c’est la justice qui se transforme en une forme de souveraineté arbitraire et autoritaire, tributaire plus qu’on ne le permettrait de l’aléa et du mandat. Ne trouvez-vous pas que la justice prend un tour d’inélégance, une quasi-sous-traitance…de la vengeance? Dois-je apprendre à Monsieur Sarkozy (parmi de nombreux échantillons qui nourrissent la leçon) combien les coquilles, même démodées, compromettent face au Parquet?

Plus grotesque et abracadabrantesque encore, l’on procède aux dépossessions sans distinction. Quelque soit la catégorie du délit commis, la privation sera assortie d’une habilitation sans restriction. Vous devinez alors que l’on s’en donnera davantage à cœur joie en ce qui concernera le chef d’entreprise qui créait de l’emploi mais que l’on plonge dans le désarroi pour le considérer hors la loi quelque soit le cas, que le meurtrier sans objets. Ah oui, car j’oubliais de préciser, in fine tout ce qui est confisqué est versé peu ou prou dans les caisses de l’Etat aigre-doux ou dans sa boîte à bijoux.

Pour résumer et sans rentrer dans les détails du champ de bataille, les sommes saisies sont précautionneusement placées sur un compte ouvert au nom de l’Agence à la Caisse des Dépôts et Consignations et il est procédé à la vente des biens meubles saisis par les magistrats lorsque ces derniers estiment « qu’ils ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité et qu’ils sont susceptibles de dépréciation », entendez dix fois sur dix!

A la Une du Parisien le 30 octobre dernier: « A vendre : yacht, hôtel particulier, vignoble » et j’en passe et des meilleurs!

On dit que justice et politique sont ruine de patrimoine, oui mais pas du patrimoine de l’Etat. Ce sont vingt-huit mille huit cent cinquante et un biens qui auraient été ainsi confisqués en deux ans, lors du déroulement de quinze mille affaires et un petit milliard d’euros en liquide. Et la belle AGRASC a élu domicile rue de Richelieu, élection et prédestination!

Elle est considérée comme l’un des services les plus discrets de l’Administration, je vous l’ai dit, j’étais complétement passée à côté; seulement, ironie du sort, Jérôme Cahuzac, de concours avec Christiane Taubira, signent un papier dans lequel ils « félicitent les équipes de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) pour la Victoire de l’organisation, pour la fonction publique d’Etat, reçue lors des Victoires des Acteurs publics, le 13 décembre ». Là, ça devenait vraiment difficile de passer à côté!

Pris à votre propre piège, Monsieur le Ministre, au pire il vous restera toujours l’exil pour recommencer la vie que l’on vous aura confisquée.

Les animaux aussi sont homos

Quand je pense que le magnifique Charles Aznavour chantait déjà en 1972, de sa voix magique et exquise « Comme ils disent »… Quand je sais que l’affirmation « nul n’a le droit, en vérité, de me blâmer, de me juger et je précise que c’est bien la nature qui est la seule responsable si je suis un homo, comme ils disent » ornée d’une mélopée enchantée lui a assuré l’abondante vente de son quarante-cinq tours… Quand je lis que ce guerrier de l’égalité, ardent partisan du « vivre comme on l’entend » se persuadait que l’évolution des mentalités n’était plus qu’une affaire d’années… Quand je constate ce qu’il en est… J’en ai le cœur soulevé, l’âme révoltée.

Qui manifeste? Pourquoi? Cela me laisse coi!

Qui lance le débat? A quelle fin? Là est le vrai point!

Non Charlotte c’est tabou, ne plaide pas qu’ils sont fous, ne soutient pas qu’ils nous amadouent, ne te risque pas à prétendre qu’ils enrobent et se dérobent, qu’ils masquent par de viles tensions la véritable complication: la stagnation ou pire la dépression, bref ladite crise.

Pourtant, ô gouvernement, qui offre l’équité aux gays, qui agence même l’égalité des chances, qui affranchit l’inverti et le délie de ses manies, s’assure pour sûr de la décroissance, de la défiance et peut-être de la déchéance du mariage de complaisance!

C’est tacitement ce que tu attends pour résoudre l’orage du chômage; moins d’enfants, moins d’excédent! Ah c’est choquant? Et tout ce flottement, cette valse-hésitation, ce manque de réaction, cette abnégation face aux provocations? N’est-ce pas à nos administrations d’octroyer les permissions, au roi de dire le droit? Eh!! la démocratie? Quand ça vous arrange! Mais l’amour de la démocratie ne doit-il pas au premier chef être « celui de l’égalité » pour reprendre Montesquieu…(quel renvoi) dans « de l’esprit des lois ».

Alors j’aimerais savoir moi, qu’est-ce qui vous offense dans l’idée d’un mariage pour tous et ses conséquences? Est-ce le nouveau visage de l’institution ou la question de la filiation? D’après nos trois religions, le mariage c’est l’union d’un Homme et d’une Femme dans le but de procréer. D’accord! On leur propose justement d’être en mesure d’engendrer grâce à la procréation médicalement assistée et ses dérivés. Lorsque j’entends curés et autres aumôniers s’y opposer sur fond de protection des enfants, j’admets mais ne m’en voulez pas de m’en amuser au su des derniers griefs dont ils font l’objet. Ce que c’est cliché…mais c’est bien pensé.

Que vaut-il mieux pour nos petits français, qu’ils grandissent esseulés en foyer, dans un environnement inhospitalier, éduqués par des parents certes hétérosexuels mais dont les fracas se ramassent à la pelle ou qu’ils évoluent chéris par deux personnes de même catégorie? Je livre ce sujet à votre sagacité. A mon humble avis, il est compliqué de faire de cas particuliers une généralité et le contrôle est suffisamment intransigeant pour les adoptants pour que l’intérêt des enfants n’en soit pas soustrait.

Et la célébration du mariage alors? Réjouissez-vous, ça fera marcher les traiteurs et les fleurs. C’est plutôt gaie, surtout depuis que les hétéros l’ont délaissée. Alors si ça leur plaît de porter une robe de mariée, qu’ils se mettent un tutu sur le cul et n’en parlons plus! Et que B. B. qui a passé son temps à défiler à leurs côtés sur les plages de Saint-Tropez ne vienne pas nous faire chier avec ses propos anti Fierté Gaie, ainsi que toutes lesdites célébrités.

N’oublions pas combien il est dur d’être différent et combien pourtant c’est enrichissant.

N’oublions pas que personne n’a les mêmes fesses et que c’est là notre richesse.

Retenez que les animaux eux aussi sont pédés, certains sont sodomites et personne ne les discrédite.

Ah, André Malraux doit se retourner dans sa tombe: « le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas », eh bien ça y est sa supposée mythomanie est établie.  Et avec ça le XXIème siècle n’est pas encore fini!

 

 

 

Souviens-toi!

L’Alzheimer, ce mal qui retire le souvenir, l’ôte sans prévenir et parfois-même emporte avec lui la passion, les passions du dément, l’éloignant inéluctablement de ceux qui l’ont en affection, qui assistent, impuissants, au demi au-revoir du souffrant.

Alors que le gouvernement vient d’annoncer la poursuite et l’élargissement du « plan Alzheimer » et que l’Union Nationale des Associations France Alzheimer n’a jamais déployé autant de moyens pour poursuivre la recherche scientifique et tenter d’apporter quelques solutions au fléau reconnu cause publique, je découvre que mon grand-père est atteint de La Maladie.  Je m’en vais alors lui rendre visite dans la maison spécialisée où ses enfants, dont mon père, ont décidé de le placer; meilleure solution promettent-ils quand un homme ne peut plus se soigner et que son épouse s’en désintéresse -non pas cruellement- mais pour des raisons de la plus haute intimité, que je vous laisserai ignorer.

Jusqu’alors, je ne connaissais que peu mon grand-père. Personnage mystérieux qu’il était et plutôt discret, je ne savais rien de son passé, rien de ce qui déterminait ce qu’il était, à part ce qu’il est écrit sur le papier: âgé de quatre-vingt-sept ans, toujours marié à la mère de ses trois enfants qu’il aime éperdument sans recevoir son pareil, pas un cheveux gris, avec pour seule lubie les agapes qu’il s’autorise chaque mardi, en l’absence de l’être-aimé, accompagné de ses camarades de vie dont le maire de la ville qu’il se glorifie de fréquenter. Jusqu’alors, c’était pour moi le papi un peu simplet qui me chantait « ainsi font les marionnettes » jusqu’à mes presque vingt ans mais dont le regard était toujours bienveillant et chez qui il n’était jamais désagréable de passer un moment.

Puis un jour, mon père reçut un coup de fil, c’était ma grand-mère introduisant le médecin de famille qui tenait conjointement à alerter mon père de quelques absences que son propre père rencontrait et qu’ensemble ils se plaisaient à magistralement intituler « démence sénile ».  Le mot était lâché et a retenti en mon père comme un vaillant soufflet.  Démence sénile qui évidemment, après que mon père ait eu emmené mon grand-père consulter un spécialiste normalement compétent, s’est avéré correspondre aux premières étapes de la maladie d’Alzheimer. Mais attendez, « le charlatan de famille » n’avait pas tout à fait tort! Eh oui, y a-t-il une réelle différence entre le vieillissement naturel et la maladie d’Alzheimer? Cette dernière n’en est-elle pas finalement une forme accélérée? Et si nous vivions jusqu’à cent quarante ou cent cinquante ans, ne serions-nous pas tous plus ou moins Alzheimer? Nous n’avons pas encore de certitudes sur les causes génératrices de ce fléau contemporain et je préfère laisser à César ce qui est à César et aux brillants scientifiques le soin de vous exposer les résultats de leur travail. Toujours est-il que la mémoire a  ses raisons de ne pas se souvenir…

De semaine en semaine, l’état de mon grand-père se dégradait jusqu’à ce qu’il en vienne à – dirais-je avec humour mais compassion – s’adonner à des promenades nocturnes si lointaines qu’il s’enivrait aux sons des viles conversations des vagabonds, s’étourdissait des lumières de la ville et finissait par ne plus savoir rentrer. Non sans un poignant chagrin, mon père, aîné de ses frères et prenant acte du fait que ma grand-mère refusait d’endosser la responsabilité de le garder à ses côtés, dut prendre la violente décision de le placer en institut spécialisé dans l’accompagnement des personnes atteintes de ladite maladie.

C’est alors que j’ai réalisé que je ne pouvais laisser s’envoler le souvenir de mon grand-père, les souvenirs de mon grand-père, sans l’avoir connu…

Je me suis rendue là-bas et j’ai compris que je m’étais fourvoyée… Mais il est bien plus profond que je n’aurais même pu l’imaginer!

Je suis fière de mon grand-père. Et fière d’être sa petite fille.

Voyez-vous, je suis entrée dans cette salle, après avoir passé plus de sécurité que dans un aéroport… Ils ne veulent pas que les frappés se taillent en courant, c’est drôle non? Eh bien ils n’ont pas tort car j’ai trouvé là, mon grand-père, en plein complot, avec un Monsieur d’une élégance inégalable malgré son état mental, échafaudant ensemble un plan de fuite des plus infaillibles. Après l’avoir persuadé qu’il passe d’abord un moment avec moi et goûte aux gâteaux que je lui avais rapportés, il s’est assis à une table et a même invité son nouvel ami à partager avec lui son festin,  avec bon cœur et un regard si doux… Si la maladie lui a retiré un peu de sa mémoire, elle lui a laissé son éducation et sa bonne âme qui ne l’abandonneront jamais.

Je ne sais pas bien s’il pouvait dire qui j’étais sans que je ne le lui souffle mais peu importe, je voulais lui apporter un peu de bonheur et je constatais qu’il le ressentait. Je priais pour pouvoir emporter dans ma tête et dans mon cœur une partie de sa bibliothèque de souvenirs pour que perte de mémoire ne rime jamais avec perte d’existence.

J’ai regardé autour de moi et j’ai vu une femme en larmes dans les bras de son mari, c’étaient les larmes de l’oubli… Et puis, j’en ai vu une autre qui pestait contre sa famille qui la délaissait. Encore un autre qui semblait être un ancien chef d’entreprise et hurlait illusoirement sur ses employés. Et je voyais là mon grand-père, plein de dignité et de courage, qui ne pipait mot comme toujours jusqu’à ce que je le questionne…

Il commença à me parler de ses enfants, puis de ses petits-enfants comme si je n’en étais pas, puis me cita son frère et sa sœur qui ne sont plus et enfin sa seconde sœur qui elle est toujours de ce monde et n’a jamais eu d’autres attitudes que de porter la joie sur son visage en dépit d’une vie qui n’a pas été des plus faciles… Il me parlait de sa sœur donc, mais de sa sœur comme s’ils avaient toujours vingt ans. Et, de fils en aiguilles, il aborda ce sujet terrassant mais dont il faut perpétrer le souvenir: la guerre… Il me raconta comment, alors qu’il était tout juste âgé de seize ou dix-sept ans, il avait traversé toute la France, depuis Guéret, petite ville de la Creuse, à Vélo, pour se cacher de l’hostile, l’immonde « collabo », qui voulait sa mort, pour la simple raison qu’il était juif. Il ne s’interrompait, par cadence de dix minutes, que dans le but de me demander s’il avait assez d’argent pour vivre ici… Bien sûr !! Pourquoi un homme en proie à une grande maladie serait dispensé d’angoisses? Ca me faisait sourire, je le rassurais et je lui ai tendu un billet de vingt euros en lui promettant « avec ça papi, tu as tout ce qu’il faut, tu n’auras aucun soucis ». Le voilà rassuré… Et il continuait dans son récit… Plus les minutes passaient et plus je réalisais que ce n’était pas la maladie qui l’emportait mais la peur… La guerre, c’était ça sa maladie! Il parlait comme s’il était redevenu sain d’esprit, tout était là, tous les détails! A croire que les mauvais souvenirs ont la vie longue, plus encore que les bons… Il me dévoilait là un secret bien gardé, le secret de ce qui avait commandé son silence, le secret de ce qui nous l’en avait privé pendant toutes ces années, il se libérait et j’en étais fière, si fière… Il était une des nombreuses victimes de la Guerre… De ceux qui se souviennent, s’abstiennent, se taisent et sont atteints de La Maladie, la vraie et préfèrent jeter la clef de l’horreur dans un infâme silence qui les consume à petit feu plutôt que de partager leur souffrance. « Souviens-toi d’oublier » disait Nietzche, moi je dis qu’il se trompait, souviens-toi de révéler et de te sauver.

Et nous, souvenons-nous…

R.A.S.Poutine

A la même heure où le célèbre mais non moins séditieux Gérard Depardieu était reçu en grande pompe par Vladimir Poutine au haut-lieu du Kremlin, Dimitri Chostakovitch et sa troupe du prestigieux théâtre Mariinsky venaient nous narguer de leur talent dans l’une des salles françaises les plus illustres, la renommée salle Pleyel. Quel culot!

Habités par on ne sait quelle âme divine, l’homme de Saint-Pétersbourg et sa troupe n’ont été pendant quatre heures de concert qu’à l’image de la hauteur quasi-hégémonique de la Belle Russie, sans jeux de mots…

Il y avait dans cet ouvrage musical comme un air de vengeance: l’histoire des pogroms merveilleusement contée et chantée, en fond musical la prodigieuse sonorité de quelques violons et violoncelles parfaitement accordés, quelque peu déshonorés par la clé de sol qui orne leur corps comme la moitié d’une croix gammée.

Pendant ce temps-là, Obélix s’en donnait à cœur joie… La culture en cadeau, le spectacle sera-t-il intact?

En solo ou deux par deux, comme Depardieu, ils nous jouaient la symphonie du scandale. Le débauché préféré des français, le licencieux mais non moins talentueux Gérard Depardieu a déserté ce jour-même la France pour cause assumée de pression fiscale trop importante.

Alors qu’en penser? Doit-il, sous prétexte qu’il est né français et qu’il a bénéficié à quelques reprises des avantages qu’offre notre France sociale – pour certains synonymes de rescousse nécessaire, pour d’autres d’assistanat volontaire, dont la spéciation serait logistiquement et malheureusement impossible d’ailleurs- se départir toujours plus des fruits de son travail? Ou alors a-t-il suffisamment enrichi la culture française, avec pour corollaire l’économie du pays et nourri son prestige pour que l’on accepte qu’il « nous » rejette ainsi?  Les deux approches me semblent plus ou moins convenables et toutes les positions recevables, à condition qu’elles soient suffisamment motivées. Mais alors, pourquoi un tel tapage? Eh bien je ne choisis pas le mot de « tapage » par hasard… Bravo les médias! Cela dit c’est vrai qu’on était fatigués d’entendre parler de la crise en France de façon si pragmatique et prosaïque! Un peu de Glam’ mince! Enfin, un peu de « people » parce que pour le glam’, il vaut mieux suivre Brigitte Bardot…quoique…

Enfin bref… parlons de la Russie…ah la Russie, « bastion des peuples » et formidable démocratie aux dires de Gégé! Euh…Je n’irai pas plus loin dans la raillerie, c’est la nouvelle terre d’accueil à la mode et Monsieur Poutine est un peu susceptible, il ne vaut mieux pas se « riots » de lui (non non ce n’est pas une faute de frappe).

Depardieu et Poutine dînent ensemble donc et Depardieu se voit offrir la place de ministre de la culture, fantastique, plus provoc’ tu meurs! Ils se sont bien trouvés! Pourquoi pas après tout? La Russie est magnifique, magique même à certains endroits, les femmes sont splendides et imprégnées des mœurs libérées post chute de l’Union-Soviétique, le pays regorge de richesses en tout genre et certes il y fait froid mais Gérard n’aura pas besoin de trois couches supplémentaires. Il y a quelque chose d’admirable là bas : une unité, une fraternité comparables à celles qui existent au sein du peuple arabe ou du peuple juif et on en reviendrait presque à mon concert. Où que se trouve le russe dans le monde il sera salué, hébergé, fêté même par son frère russe. On est loin du « minable » ou du « crétin fini » lancés sans modération ni considération par nos députés. Alors moi je le comprends Gégé. Et puis la Russie c’est un peu une autocratie, Poutine est tel un Roi, notre artiste fou le sera désormais auprès du Roi. Mais peut-être que ce qui déplait à nos dignes représentants c’est qu’il ne nous reste alors plus grand chose d’éclatant pour faire briller notre si beau pays, si Depardieu s’en va avec la culture? Il ne manquerait plus qu’il emporte la Concorde sur son dos comme Obélix son menhir…

Mais dans la guerre d’images que se livrent la France et la Russie et si la perspective d’une sévère imposition fait fuir nos références et a fortiori nos plus gros créanciers, il faudra bien que nous trouvions comment conserver notre gloire, notre charme, nos attraits de séduction au rang desquels l’incomparable architecture tient la tête. Alors si vous comptiez procéder à une OPA en vue d’acquérir la Tour Eiffel, R.A.S. Poutine, la Tour Eiffel n’est pas à vendre et puis de toute façon sa société d’exploitation n’est même pas quottée…On est mal barrés!

 

Itinéraire d’un combattant

La violence, cette vilaine violence, celle qui exclut bienveillance et élégance, qui se recommande de la réplique, mais n’est que le reflet d’une faiblesse fréquemment pathologique.

Qui serait prêt à faire l’apologie de la violence quand l’on entend aux informations les dégâts qu’elle apporte dans son bagage et les souffrances qu’elle engage? Qui peut accepter la dégradation, la détérioration, la dévastation, la destruction? Qui peut soutenir le vandale ou le brutal? Qui peut louer le comportement de ceux qui matérialisent leur mécontentement en cassant, pillant, brûlant ou même violant? Qui peut justifier le violent?

Pourtant, la violence n’est pas souvent le dessein mais seulement le moyen; elle ne vient donc pas nécessairement exprimer la cruauté du méchant. Elle est d’ailleurs bien souvent le produit d’une absence de bonheur, la suite d’une carence affective.

Oui, la violence est en chacun d’entre nous, nous la portons tous, de façon plus ou moins nuisible ou tout simplement perceptible; même le plus doux peut enfouir le plus fou et il faut bien qu’elle sorte, qu’elle soit évacuée sous peine de déborder. N’y a-t-il pas pire violence que le silence?

Je me suis donc interrogée sur l’extériorisation suprême mais assurément contrôlée de la violence: le sport de combat. Je dis assurément mais tout de suite je doute car je peux bien imaginer qu’il s’agisse tout autant d’une tendance fantasmée au suicide, honneur sauf, d’une auto-flagellation dans la considération. Alors bienfaits ou méfaits?

Voici l’itinéraire d’un mercenaire de la vie.

 

Né en 1975 à Constantine, voilà qu’un petit garçon frêle au regard fort, passant par le pays de l’érable et du castor, débarque en France, accompagné de son grand frère et de sa digne mère, plaqués sur le chemin par l’indigne père. Ils s‘installent sans le sou à Toulouse, puis très vite se voient contraints de refaire les valtouzes, destination Evry-Courcouronnes.

Ce petit garçon respecte, aime et aide sa maman comme seul un adulte saurait le faire, quand il sait le faire…

La vie, pour lui, n’est pas un long fleuve tranquille, elle est même plutôt difficile; le petit gars n’a que le sol pour plumard, la baignoire comme dortoir, jusqu’à ses douze ans! Mais il est si vaillant, c’est sa couche et il ne fait jamais la fine bouche. Jamais il ne se plaint, ni ne geint, jamais il ne criaille, son refuge à lui c’est les étoiles… Quand il les contemple, il y voit le plus beau des exemples; c’est ça, le soir, il voit de l’espoir! Un jour à la télé -d’un copain du quartier- il découvre Albert Einstein et sa vie, ce cancre de génie, cet autodidacte de splendeur, incapable de poursuivre des études supérieures et pourtant professeur. Il se prend de passion pour la théorie de la gravitation, et c’est cela qu’il trouve dans les étoiles: la relativité générale. Elle déterminera tout son parcours: comment « se prendre pour » quand on sait qu’il y a des milliards d’étoiles dans le ciel, que la Terre ressemble à un grain de sel et que nous sommes mortels?

Le petit garçon joue au foot, au Parc des coquibus, mais il ressent une frustration à la hauteur de ses émotions. Personne n’a envie de se battre comme lui, personne ne se donne comme lui, personne ne sait comme lui, personne n’a peur comme lui…

Il a peur? Mais quelle ardeur… Il a décidé de devenir ingénieur et s’il le faut, il y laissera son cœur. Livreur, vendeur, moniteur, il accepte tout pour un sous, il lève les blocs de bêton au bout de ses mains blessées, il veut s’offrir une chance de s’approcher de son étoile irisée.

Et voilà ce que son étoile lui dévoile: un jour, alors qu’il défendait son frère avec beaucoup d’hardiesse face à quelques baroudeurs, sonna son heure. Boxeur amateur mais sacrément vigoureux, un type se posta devant la baston, sans prêter main forte, pour examiner le cloporte en pleine action. Une fois que le petit gars les eut mis K.O., le boxeur le pris par le col: « eh toi, tu veux te chiquoter, suis-moi, viens t’entraîner! ». Le garçon, jouant les braves jusqu’au bout, l’accompagna. Dans la salle, il repéra un blanc tout roux « c’est avec lui que je veux boxer »! Et là, il comprit qu’il s’était bien trop avancé, juge de vérité, il se fit dérouiller. L’agressivité il l’avait, mais les règles, les valeurs du noble art, il les avait laissé au placard… Il devina instamment ce qui lui manquait jusqu’alors, une famille de Grand-Guignol au poing dur mais au cœur pur. Il promit, il se jura même qu’un jour il serait parmi ces maîtres de l’art le plus laborieux, le plus épineux, le plus douloureux, le plus dangereux mais le plus précieux et le plus valeureux des arts du feu.

Au début, il n’était qu’orgueilleux et il se battait pour exister, y a-t-il plus simple que de se servir de ses armes physiques, de se confronter pour subsister? Il eut d’ailleurs son diplôme d’ingénieur, ce qui lui conféra une double reconnaissance, une double destinée. Mais il grandit et un soir, alors qu’il rentrait du travail, en passant par les beaux quartiers de la capitale, dans une rue calme et chic, il assista à quelque chose de bien plus terrible que lorsqu’il montait sur le ring; un homme, au style fameux, fureur dans les yeux traînait sa femme par les cheveux lui soufflant des mots terrorisants et menaçants. C’est là qu’il se mit à réfléchir à la violence? Pourquoi la violence de celui qui a tout est honteuse, quand pour celui qui n’a rien elle est haineuse? Est-elle génétique ou déterminée par le parcours d’un homme? Est-elle nature ou éducation? Comment se déclenche-t-elle en fonction du milieu social? Finalement naît-on violent ou le devient-on? Et lui-même était-il violent? Il se refusait en tout cas à légitimer quoique ce soit par les épreuves que la vie met sur son trajet, elle avait bien été peu accommodante avec lui et il affirmait pourtant que c’était sa turbine non sa débine. Il admettait toutefois que sur une même planète, les gens viennent de mondes bien différents, que l’inconscience du décalage peut générer quelques désastres et que le Monde avec un grand M est bien plus hermétique à ceux qui n’ont pas accès à la culture, typiquement à l’immigration moderne. Pour lui donc, il y a bien deux catégories de boxeur, qu’il soit professionnel ou qu’il boxe pour s’en sortir: celui qui ne sait pas, qui ne se cultive pas et qui ne relativise pas, qui ne peut donc contrôler sa chute et celui qui a eu la chance de graviter dans d’autres sphères.

Cette question de l’agression, difficilement soluble allait le suivre aux combats et c’est à partir de là que ces derniers obtinrent pour lui une fantastique vertu thérapeutique. Il savait maintenant qu’il frappait pour s’échapper des violences de la vie. De la lâcheté? Bien au contraire… Car voilà le sport le plus traumatisant que la terre ait porté et à mon sens le plus valorisant. L’immonde, le couard, le trouillard c’est le succube, le démon qui ne connaît pas les siens et les impose à son ou sa bien-aimé(e), à autrui, à sa vie.

Une pensée pour les malheurs, agressivité assurée, une pensée pour les bonheurs, concentration enchantée puis tu montes, tu crées ta propre atmosphère, ton énergie se transforme en enveloppe corporelle naturelle, de planète tu deviens étoile, tu fustiges, tu heurtes, tu marques, tu commotionnes, tu assommes, bref tu boxes et tu gagnes. Puis à son tour, le monde gravite autour de toi, comme si tu étais le soleil et les autres étaient la terre. Mais en boxe, tu ne triches pas, tu sais que tu peux donner la mort et tu flirtes avec ton sort jusqu’au jour où tu le comprends et là ton combat ce n’est plus ton adversaire c’est toi-même; alors là oui c’est le couronnement mais aussi l’aboutissement, pour te transcender il te faut plus de temps, c’est vital pour une victoire finale il faut que tu redeviennes animal et amoral.

Il arrêta de boxer à l’âge de trente cinq ans, mais alors que l’Einstein des quartiers auraient pu tomber dans la déchéance à l’instar de certains de ses frères de combat, faute d’adrénaline, il choisit de garder tous ses sens en éveil; il aurait pu re-devenir ingénieur conseil mais il décida d’offrir un petit bout de son étoile à ceux qui en avaient besoin, qu’il s’agisse de la femme des beaux-quartiers ou du jeune de cité.

Une vie de rêves

A l’heure d’Internet et de la projection outrancière de ce que l’on nomme avec une certaine antinomie ironique « la réalité », le fantasme est le maître des hommes…

Qui aujourd’hui n’est pas inscrit sur facebook, twitter ou autre lien social?

Normal, me direz-vous, il faut vivre de son temps et surtout avec son temps…

Mais tous avantages qu’ils possèdent, ils sont le terrain piégé de l’anti-vie que nous nous plaisons à poursuivre. Je dis bien poursuivre, tant nous courons résolument après notre vie, au lieu de la savourer.

Qui parmi les jeunes générations prend encore le temps pour les choses élémentaires? Au rang des plus délicieuses: une promenade main dans la main au rythme du vent, le choix épineux d’un roman dans une librairie de quartier pour rentrer se délecter à la lecture de ce dernier, un simple « déjeuner en paix » ou une exploration en forêt avec l’âme d’un aventurier…

A la place… Processus d’observation, de sélection, de captation de l’attention d’une proie et GRRR jeux de mots et d’esprit plus ou moins brillants, certains font des calembours, d’autres d’irrévérencieuses notes d’humour, d’autres sont obscènes sans détours… Un monde où théâtre et fantasmes sont deux frères siamois avec plus ou moins de talent mais est-ce réellement important?…

Prenons l’amour par exemple… Un amour fantasmé n’est-il pas bien plus aisé qu’un amour vécu? Il fait l’économie des ennuis et des compromis.

Mais alors, ô Fantasme, toi dont l’on prône les vertus, toi qui n’es plus tabou, toi nourriture cérébrale et faveur à l’imagination, toi vecteur de désir et parfois même de plaisir, es-tu le serviteur de la paresse ou de la caresse?

Tout dépend… Ah réponse de Normand! Mais oui, s’il est tourné vers son partenaire de vie, il sert la passion… S’il est virtuel, il sert – au mieux – l’imagination…

Sous cet angle, il serait alors deux grandes catégories de fantasmes : ceux qui méritent d’être assouvis et encore… occasionnellement sous peine de devenir monotonie et ceux qui devront toujours rester fiction car eux muteraient en rêves déchus ou pis encore en visions déçues.

Est-ce à dire que le fantasme est mauvais ou devrait être trié? Mais non pas du tout… Le fantasme est en chacun de nous à un état plus ou moins conscient. Il est peut-être le seul truc irréductiblement excitant… Il est même sain…

Voyez-vous, j’ai connu quelqu’un qui se caractérisait par un goût des plus surprenants en matière d’art: tout ce qu’il possédait était sombre, mortifère voire morbide, symbole de destruction, d’explosion, de disparition, d’agonie et d’inertie; il y avait même un cadavre, sang dégoulinant comme s’il était encore frais, qui était là…étendu dans son salon…

Vous imaginez si ce personnage n’avait pas eu le fantasme comme ami? S’il n’avait pu enfermer à double tour dans les œuvres d’art qu’il chinait et acquérait ses instincts plus ou moins bien refoulés?

Je ne décrie donc pas le fantasme ni ne dénigre ses effets, je déplore son manque de naturel, je jette l’opprobre sur ces pétasses à la beauté imaginaire et ces abrutis à la verve bancale et la conscience altérée… et vice versa!

Alors Mesdames, vous qui rêvez du prince charmant soyez vous-même fantasmagoriques et apprenez à leur être fatales, si fatales que les hommes de vos rêves serviront vos désirs avec complaisance; et vous Messieurs, apprenez que vos femmes fantasment elles-aussi et selon les dernières statistiques encore plus et mieux que vous, alors rangez les téléphones I-pad Mac et autres ordinateurs, regardez comme vos femmes sont belles et dédiez-leur vos poèmes.  Révisez vos rêves et offrez-vous une vie de rêve!

 

 

La France hait l’argent

Un dimanche soir, alors que le soleil caressait encore les cimes de la charmante ville de Positano, un jeune fiscaliste et un écrivain de renom -qui ne se connaissaient alors pas- s’apprêtaient à rentrer à Paris, après un doux weekend loin des vives tensions de la capitale. A la même heure, en France, une chasse aux sorcières (entendez aux « riches » ou + réalistement à l’investisseur, brillant auto-entrepreneur ou à l’artiste, moteur de la machine économique française) était vastement engagée.

Devant la porte d’embarquement, se dessinaient distinctement deux files: l’une bien fournie, l’autre comptant quatre personnes, un couple et nos deux protagonistes. Ils avaient acheté le privilège de grimper en premier dans l’avion, mais les autres passagers, certains par ignorance, d’autres par arrogance, n’appréciaient pas vraiment ce statut prioritaire et l’un des passagers lança un savant mais inutile « ils se croient au-dessus de tout le monde ceux-là, ils ne peuvent pas faire la queue comme tout le monde?! » Le businessman au tempérament bouillant s’empressa de répondre, sourire satisfait imprimé sur les lèvres, « sortez donc douze euros de votre poche Monsieur et rejoignez-nous ». A ce moment-là, l’écrivain se retourna vers lui intéressé; personnage discret qu’il était, il y avait bien pensé, sans pour autant vouloir donner de l’importance à cette remarque ni risquer de se porter au centre de l’affaire. Leurs regards se croisèrent alors et dans quelques minutes, une discussion allait s’engager…

A priori, tout les opposait, à part peut-être cette délicieuse façon d’incommoder, d’indigner, de bouleverser la norme et les codes entendus; mais le temps d’un voyage, ils allaient se découvrir une affinité toute particulière autour de l’épineuse question des aspirations politiques et fiscales de la France. Tout les opposait vous dis-je, c’est un cliché mais c’est vrai: l’écrivain était culturellement de gauche et vivait simplement, il était calme et réfléchi, érudit même, mais atteint d’une virulente schizophrénie, entier à la fois de ses opinions tranchantes et assumées et de la gêne que sa légère notoriété lui faisait ressentir; le fiscaliste était, lui, de ceux que l’on nomme « nouveaux riches » et n’en était pas peu fier, il était réactionnaire à la voix et à la voie claires, à l’allure notablement haute pour ne pas dire hautaine, sourire franc constamment affiché sur le visage et volontairement révélateur de résultats, l’échec, pour lui, n’était pas en option.

Le premier, encore, avait écrit plus d’un ouvrage à scandale désignant notamment la religion comme la manne des faibles et l’unique responsable de l’impuissance et de la cruauté mondiales, le second avait inventé le pied-de-nez aux autorités, proposant des montages sociétaires parfaitement légaux destinés à éluder ou amoindrir l’impôt. De quoi énerver…

Tout les opposait…Et pourtant…Chacun y allait de son plus bel argumentaire, son plus beau commentaire, sa plus belle anecdote pour s’entendre sur la déchéance socialo-financière de la France et la catastrophe de sa gouvernance.

Notre écrivain de talent donc, comme on le devinerait aisément, vivait dans un quartier animé, jovial même, celui desdits « bo-bo », mais il constatait que depuis quelques temps l’ambiance était devenue bien plus électrique qu’il ne l’avait connue pour ne pas dire hostile. Il y avait même au marché du quartier des tee-shirts et autres tasses prônant la haine anti-juifs et maintenant la haine anti-riches. Il se faisait alors, depuis quelques années, au travers de ses romans enseignants, le porte-parole d’une France lasse de toute cette outrancière communication autour de ladite crise, de cet entretien de la terreur et de ces clivages volontairement alimentés au sein d’une population historiquement progressiste dont il maitrisait parfaitement le contenu. « Elle est bien loin la France Des Valises, elles sont bien loin nos trente glorieuses… Ne faut-il pas qu’il y ait toujours quelques élites qui en soient la tête de file afin de la porter à bout de bras et créer de l’emploi au grand bonheur de ceux qui n’ont légitimement de cesse de réclamer du travail? »

Notre fiscaliste était bien de cet avis et à défaut que la France ne sache encore attirer l’investisseur, autant qu’elle conserve en son sein les consommateurs. C’est bien ce que le brillant jeune homme peinait à organiser: fuite des capitaux certes mais c’était déjà à l’ordre du jour et cela s’avérait donc inéluctable; en revanche, grâce à lui le pays conserv(er)ait au moins la chance de compter parmi ses habitants l’homme qui consomme, le chef d’entreprise qui acquiert voitures, immeubles et autres biens dont elle tire sa richesse, si richesse il y a encore. Et le fiscaliste se mit à confier à son voisin : « Figure-toi »… Ah oui ça y est ils étaient passés au tutoiement – entre anarchistes on se dit « tu » – « figure-toi que l’autre jour je dinais avec ma femme dans un restaurant de quartier et à quelques secondes de notre première fourchette, quatre hommes d’une cinquantaine d’années sont entrés et se sont assis à la table d’à côté. Ils avaient visiblement une aisance tout à la fois comportementale et financière, qui, alliée à un fantastique charisme et à une joie de vivre apparente, ont attiré notre attention. Au début, on les imaginait parisiens et peut-être pourvus de hauts postes dans les BTP, mais au fur et à mesure que leur conversation avançait, on devinait un plaisant accent corse et l’on comprenait qu’ils avaient investi dans des clubs de football à l’échelle européenne. L’un d’eux se mit à raconter, avec beaucoup d’humour, ses déboires avec les forces publiques et la justice française et ses compères ont pris sa suite, sur le même ton. Nous avons assisté pendant quelques heures à un récit hilarant, comme à une pièce de théâtre, au rythme de plusieurs actes, décomposés en quelques gardes-à-vue et autres investigations policières. Nous comprenions, quand bien même l’amalgame aurait pu facilement être commis, qu’ils n’étaient ni escrocs, ni a fortiori criminels et que l’acharnement qu’ils avaient subi était plus de l’ordre du vindicatif que du constructif, coupable qu’ils étaient d’avoir réussi leur vie. La soirée n’était pas finie car à l’instant où nous nous apprêtions à quitter la table, s’installèrent à notre droite deux hommes au visage familier et, crois-le ou non, à nouveau le mot fut lâché, « il vient juste de sortir du  bureau du juge »; c’était de Stéphane Courbit dont il était question. La soirée en devenait burlesque : interrogatoires, commissions, cent, deux cent, trois cent mille euros pour les premiers, quatorze million pour le second! A croire que la France hait le succès. »

L’écrivain l’interrompit et surenchérit « mais tu réalises qu’ils sont sur le dos d’un des vingt hommes les + riches de France, selon classement officiel, pour avoir reçu par l’intermédiaire de l’une de ses nombreuses sociétés, une donation certes d’une somme colossale mais que lui-même possède déjà largement? Qui te dit que cette dame n’a pas simplement eu envie d’investir son argent dont elle déborde dans une société dirigée par un homme qui sait produire du qualitatif et du quantitatif? Et pourquoi, sous prétexte qu’elle n’est plus de dernière fraicheur n’aurait-elle pas le droit d’adhérer à une cause ou à une autre, à un projet ou à un autre et de placer ses sous où et comme bon lui semble? Ah oui c’est toujours cent quarante trois millions de moins pour ses héritiers et quelques millions d’autres par-ci et par-là, mais il leur en restera toujours autant va! Je lisais que Montebourg en a encore fait une bien belle! Voilà que selon lui, « les  nationalisations temporaires sont l’avenir de la politique économique de la France » Bye bye les investisseurs étrangers! »

« Une montebourde de plus! » lança le jeune homme à l’humour cinglant et il ajouta encore: « le marché immobilier est saturé par la revente de biens d’exception qui jusqu’alors appartenaient aux étrangers dont personne ne veut ou ne peut faire l’acquisition. Mais pire encore, ce sont les investisseurs français qui se sauvent. J’entendais Monsieur Marc Simoncini, fondateur entre autre du fameux Meetic, qui répondait aux questions des journalistes; porté pourtant par un immense respect pour la France, attaché qu’il est -attaché que nous sommes tous- au pays dans lequel nous avons grandi et dont on nous a si bien conté les louanges à l’école, il affirmait qu’il lui était bien sûr impossible de conseiller à ses enfants de s’établir en France tant la fiscalité de l’entreprise y est confiscatoire et que lui-même ne s’était pas alloué de revenus depuis quelques mois pour éviter de subir les méandres de la dure loi de l’impôt. Notons que c’est là la solution choisie par pas mal de ceux qui peuvent se permettre de vivre sur leur réserve et que le gouvernement affirme pourtant vouloir viser pour redresser le pays. Faille inéluctable du système: les riches s’en vont ou trouvent le moyen de ne pas s’encombrer de l’impôt, les entrepreneurs ne créent plus et par ricochet l’emploi n’est pas nourri; que l’on s’attarde une instant sur les chiffres du chômage! Et avec ça, l’avenir est toujours aussi si ce n’est plus incertain! Je ne détiens pas la solution et toi non plus sans doute, mais je me demande bien quel produit pourrait redonner une force attractive à notre magnifique pays; si les nouvelles technologies sont maquées par l’Asie, les ressources naturelles par les pays Arabes et la bourse par les pays Anglo-saxons, que reste-t-il à la France pour exporter et relancer la machine économique? N’est-ce pas la bonne problématique? Ou alors nos gouvernants ne veulent-ils pas finalement redonner force vive au pays des pays? A croire que la France hait l’argent…En tout cas, elle le fait fuir! »

Selon le journal de 20 heures de France 2 du jeudi 3 novembre 2011, l’évasion fiscale était officiellement évaluée à cinquante milliards d’euros par an en France, peut-être soixante milliards l’an passé. Si la France adoptait une amnistie fiscale, sur le modèle d’autres Etats en crise comme l’Italie, l’on devine qu’elle en rapatrierait autant sinon plus. Mais le gouvernement semble préférer sa propre dignité à celle de son pays.

Alors, lorsque le voyage toucha à sa fin, les deux hommes se saluèrent et l’écrivain ne négligea pas de demander son contact à l’homme d’affaire, on ne sait jamais il pourrait bien en avoir besoin.