Mensonges et séduction

Ca ne fait pas de doute, cette locution que l’on redoute tant, on y goûte pourtant quotidiennement.
Et on en redemande!

C’est vrai, mais qui peut prétendre ne pas en être friand, quand notre tendre société trouve ses racines dans les querelles et la félonie, les légendes et la calomnie, l’épine à partir desquels nous nous sommes construits.
Dès l’origine… Au sein du corpus que compose la Bible, est consigné en simple prose : « l’homme n’est que mensonge ». Ca calme, n’est-ce pas?
En sus, la Bible mérite la palme de la franchise, car si j’ose l’indicible, je dis alors que ceux des textes sacrés rédigés de la main de l’homme, sources de toutes les philosophies, sont peut-être un vaste canular. Je me demande encore comment une variété de communautés a pu se conformer à foule d’axiomes sans s’arrêter sur cet énoncé? Et croyez-moi, je ne déclare pas tout cela sans émoi, car croyante que j’essaie de rester, eh bien cela me fout les boules!
Mais ce n’est pas le sujet. Revenons à nos moutons.

L’histoire est la mémoire de prise d’armes, de nombreux vacarmes, et de malheureux sous l’emprise d’inventions et de trahisons.
Ce n’est pas l’apanage du passé, nous n’allons pas mieux et Monsieur Perfide a pris de l’âge et un soupçon de modernité, mais il continue de nous coudoyer.
Au rang des exemples les plus fameux : la politique bien sûr, temple d’utilisation de la rhétorique, de manipulation des statistiques, de l’auto-contemplation aux fins d’élections, des promesses sans prouesses… Une savane habitée par des imberbes narcissiques, où les mauvaises herbes poussent aussi vite que leurs névroses, où le mensonge fane plus rapidement que la rose puisqu’un nouveau bateau l’éponge, une savane où la vérité ne voit le jour que pour éclabousser. Voici un monde où même le plus joli des idéaux sert de parure à l’imposture : j’ai nommé le socialisme…
Mais est-ce monopole d’Etat? Sûrement pas…

Par exemple, les médias relaient l’information sans vérification et nos réseaux sociaux ne sont pas un facilitateur d’authenticité, ni un inspecteur de la vérité… Pis encore, ces deux cadors de la communication sont à la tête d’une entreprise de leurres organisés, une véritable discipline, des vendeurs de vitrines qui reflètent ceux qu’ils souhaitent ou plus rarement ceux que nous désirons.

Même nos sens nous bercent d’illusions : qui n’a pas une fois été horrifié en entendant sa voix sur un répondeur la pensant sensuelle à libre oreille, qui n’a jamais été alléché par un diffuseur d’odeur et a trouvé une insipide saveur, qui n’a pas adulé une image et intrépide a voulu la rencontrer pour estimer son plumage mais s’était fourvoyé? Et que dire encore du chanteur qui meugle et peut bénir son ordinateur…

C’est vrai, nous sommes d’aventure trompés, mais c’est bien alors parce que nous sommes par nature de sacrés enjôleurs. L’humain ment aux fins d’envoûtement, il manœuvre pour se rendre plus aimant au moyen de boniments, il imagine, il fascine, il porte en lui l’obsession de la séduction et son œuvre de manipulation en est l’outil récurrent.

Quant à moi, jeune femme désillusionnée, dont le cœur a souvent été atteint par ces tricheurs, mauvais prestidigitateurs, magiciens d’un quart d’heure, me voilà réparée et je veux bien vous raconter…

J’en ai connu des flagorneurs, le parfait lécheur pour être crue, qui flatte et commet des abus à l’aide de tirades plates -pensant à tort qu’il t’endort- dans le seul et unique but d’être reconnu.
Mais plus encore, j’en ai pratiqué des fabulateurs de la première heure, à tendance schizophrénique et à déviance quasi autistique.
La meilleure que l’on m’ait contée est l’histoire de cette jeune fille -la malheureuse- amoureuse d’un grand gaillard, massif tel un jaguar, vif tel un renard, qui souhaitait simplement passer le weekend avec son bien-aimé. Mais celui-ci dut décliner, soumis à la violente contrainte de se rendre Outre-Manche pour affaires. Il rentrerait dimanche, il atterrirait à six heures et demie et ils se rejoindraient chez lui aux alentours de sept heures et demie. Il avait « hâte de retrouver son amour! ». Avouez qu’il faudrait vraiment être suspicieuse pour soupçonner une feinte et elle était si confiante. Elle arriva donc chez lui à sept heures et demie, Monsieur était bien là, mais habillé d’une simple robe de chambre, recouvert d’un parfum à l’ambre et accompagné de trois ou quatre pompiers. Il avait passé la journée là, avec une demie-catin (ne me demandez pas ce que c’est, je n’ai pas le temps de vous expliquer) ils s’étaient préparés un bon bain qui avait inondé les voisins d’en bas. Désagréable coup du sort, beaucoup de remords pour notre Dédale et une jolie fable pour les petits porcs et autres roulures : « même dans le mensonge, mesure il faut garder! ».
Bon d’accord, cette jeune fille pleine d’innocence, qui soudain entendait sonner la fin de son adolescence : c’était moi…

Ne vous apitoyez pas, la vie endurcit, elle m’a appris à devenir radar : rien n’échappe plus à mon regard! Seule mon humilité m’encourage parfois à transiger, à condition toutefois que le kefteji me soit servi avec habileté; car si j’accepte d’écouter des conneries, je déteste l’approximation! Apprenez : si vous voulez être de bons conteurs d’histoires, évitez les moues à effet accusateur et assurez-vous de posséder une sacrée mémoire, car le bobard attache, il entraine un autre bobard, puis encore un autre bobard et ce à l’infini; et si vous perdez le fil, alors il ne vous restera plus que l’exil pour parer l’infamie!

Pour ma part, je ne crains plus que le mensonge dont je crains la vérité en retrait et je dois bien concéder qu’il arrive qu’ignorer soit tranquillité, un foulard posé -délicatement mais efficacement- sur une vérité qui me ronge.

C’est cette éponge que passent sur leur conscience ceux que l’obédience, l’âge ou le vrai visage tracassent et qui finissent par se mentir et croire à leurs propres délires. J’ai beaucoup aimé une femme dont l’âge approche plus de celui d’une dame et qui n’accepte pas de vieillir. Elle m’a séduite…oh si, les femmes savent adopter une telle conduite, même entre elles : à coup de « ma belle » et confidences malheureuses allouées à une âme généreuse, c’est gagné d’avance! Elle m’a séduite pensant, à mes côtés, s’approcher du prince charmant, un prince charmant de vingt ans son cadet, un prince pas si charmant qui a fini par lui fixer rencard un soir à une heure du matin pour la laisser poiroter sur son canapé, manteau sur le dos, sac à main sur les cuisses, un prince pas si charmant qui n’est jamais venu la chercher, me forçant à assurer en coulisses… Combien de chagrin ai-je eu ce soir-là, mais combien plus encore quand j’ai réalisé que plus jamais elle ne me rappellerait, puisque je ne lui servais plus…à rien!

Oui… même nos amis nous mentent. Rarement par détournement d’informations, plus souvent par des faux-semblants dans le prisme d’un certain égocentrisme : la volonté égoïste de prendre ce qu’il y a prendre, ton avis et ta bonhomie, en évitant soigneusement de te le rendre par une tendance absentéiste. Et puis finalement, font-ils réellement allégeance en mon absence comme ils m’encensent en ma présence?

Enfin… moi non plus je ne suis pas toute blanche et il est arrivé que je flanche.
Ah oui parce que j’ai su que vous, les garçons, êtes convaincus que nous, les femelles, ne sommes pas des professionnelles de la trahison, tout du moins pas à votre niveau! Eh bien, vous me voyez désolée de balayer vos superstitions rassurantes, objet d’une commune adhésion arrangeante, mais c’est faux!
Il faut vous réveiller, les temps ont changé! Tout comme la damnation, l’excommunication n’est pas un frein à la commission de vos vilaines actions et ce même quand vous vous recommandez fréquemment de Dieu Messieurs, la morale n’est plus la malle enfermant la vilaine part d’âme de vos dames! Je dirais même que vous semblez oublier que le stade ultime de séduction -celui qui vous plonge dans les abîmes de la fascination et vous pousse à accepter leurs mensonges sans les remettre en question- que l’alliance de la suggestion, forme d’intelligence-prouesse et d’un visage tout en délicatesse ne peuvent être que l’apanage de vos douces. Alors si a fortiori, elles s’affranchissent des idéologies moralisatrices, comment avaler que jamais elles ne vous trahissent?

Alors oui, moi aussi j’ai menti, mais quand je l’ai fait c’est parce que j’aimais, j’aimais sincèrement, tellement que je ne pouvais imaginer blesser sur le fondement d’une entière vérité, d’une intégrité atteinte de cécité, agitée sans sagacité, sans subtilité…
J’ai menti par espoir, celui qu’un soir l’on vienne me délivrer de tous ces rêves noirs, de mon entonnoir.
J’ai menti parce que la vérité sonnait faux, elle n’aurait pu trouver les mots pour exprimer ce que je ressentais.
J’ai menti en disant que j’avais pardonné alors qu’il m’est impossible d’oublier.

Et puis un jour, j’ai rencontré un ange, un ange qui jamais ne triche même si cela dérange, un être pur qui conçoit l’amour et la joie avec simplicité et honnêteté sans attendre un retour, une créature riche, riche de ses valeurs et de son ardeur, une personne d’exception qui a fait exception.
Sans même approcher mon corps, il m’a apporté tout le réconfort dont mon cœur avait besoin. De loin, il a rendu mon esprit plus fort et m’a réappris le bonheur.
Alors petite feuille, comment veux-tu que je t’en veuille? Et même si la vérité nous éloigne, que notre lien témoigne que nous avons construit la plus jolie des amitiés! Et ça, rien ne nous l’enlèvera.
Vole de tes propres ailes mon hirondelle!
Je ne te remercierai jamais assez, si ce n’est qu’en étant là pour toi pour l’éternité, en te souhaitant ce que tu sais mais que tu détestes discerner, car nous, les tiens, ne sommes pas sensibles à ta sensibilité, certes, mais nous sommes tes gardiens imprescriptibles.
Quant à moi, je te promets de m’assurer que jamais ma vulnérabilité, mes peurs, mes chagrins, mes appels au secours n’encombrent mon chemin vers le bonheur et d’avancer toujours avec ton ombre dans mon cœur.

10 réflexions au sujet de « Mensonges et séduction »

  1. Max Montgomery

    Je ne le crois pas. Du reste, c’est peut-être là votre vision personnelle que vous livrez là. Désespérance d’une vie où vous êtes prise comme modèle de clichés sans nombre, où d’agréables passe-temps vous mettent face-à-face avec une responsabilité: « que fais-tu de toi ? », questionne quelqu’un en vous.
    Vous dites: « L’histoire est la mémoire de prise d’armes, de nombreux vacarmes, et de malheureux sous l’emprise d’inventions et de trahisons. »
    Non, l’Histoire est une magnifique aventure où l’on naît, grandit, se bat (ou pas) et meurt. C’est dans ce combat qui a lieu (ou pas) que tout se joue, le reste est le lot commun sur lequel seuls les poètes peuvent s’exprimer. On ne juge pas la mort.
    C’est une vision en réalité narcissique qui dit que l’Histoire fut noire, lorsqu’en réalité, elle nous laisse devant tant de merveilles et d’audace – et de phénomènes naturels puisque les guerres ne sont rien d’autre – que nos temps à nous se révèlent vides, creux, autocontemplatifs, bavards.
    J’écris: « Un siècle n’en compte qu’un petit nombre, de gens de cette race [les êtres d’exception] qui défie les dieux et on se demande s’il faut les préférer aux langueurs d’une paix irréprochable, dans laquelle chaque jour qui passe est plus médiocre que le précédent, ou s’il vaut mieux qu’ils sortent de l’ombre, auquel cas leur siècle s’illustre de splendeur et de criminalité. Cent-mille tués, c’est affreux. Mais cent mille suicidés, ce n’est pas mieux. Enfin, voilà : cette race produit immanquablement l’un de ses rejetons, n’attendant aucune permission et qui affirme, abrupt : « Je ne vivrai pas cette vie-là. » Ces gens-là, qu’ils finissent pendus ou exilés, rien ne les arrête avant qu’ils nous aient débarrassé de nos dieux. » (Le Siècle des Hommes sans Dieux; vous ne l’avez donc pas lu ?)
    Max

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  2. philippe

    le menteur fuis la réalité, il vit dans son illusion, qu’il soit homme ou femme, le mensonge est la faiblesse de l’être humain, peur d’être rejeté, peur de ne pas être aimé.

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  3. LIPPIS

    Un très beau texte, bien écrit, une vision, un débat s’ouvre. Vaste sujet traité avec talent, je suis d’accrod avec vous. bravo Charlotte Ticot !

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